Le gouvernement embarrassé par le Ceta

Présentant aujourd’hui son plan « pour la mise en œuvre » de ce traité de libre-échange, le gouvernement souhaite le mettre « sous surveillance », mais n’envisage pas de le renégocier.

Olivier Doubre  • 25 octobre 2017
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Le gouvernement embarrassé par le Ceta
© photo : Patrick KOVARIK / AFP

Présentant aujourd’hui son plan « pour la mise en œuvre du CETA », le gouvernement est apparu particulièrement gêné quant aux conséquences délétères du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, déjà provisoirement en vigueur depuis le 21 septembre après sa ratification par le Parlement européen en février.

Nos laudateurs hexagonaux du marché sans entraves avec le Canada semblent aujourd’hui découvrir l’Amérique. La plupart des ONG, de Greenpeace à Attac, en passant par la Fondation pour la nature et l’homme créé par… Nicolas Hulot, les avait pourtant prévenus, en particulier sur le fait que ce texte n’était pas compatible avec l’accord de Paris sur le climat, conclu à l’issue de la COP 21. Emmanuel Macron et son gouvernement paraissent en effet bien embarrassés par ce fameux traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, que le Parlement français doit encore ratifier.

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La date de cette ratification n’est d’ailleurs toujours pas arrêtée et le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner est resté très évasif sur celle-ci, évoquant simplement « l’horizon du deuxième trimestre 2018 ». Cette imprécision gouvernementale contraste fortement avec l’engouement pour le Ceta exprimé plusieurs fois durant la campagne présidentielle par le candidat Macron, qui balayait alors, plein d’assurance, d’un revers de main les mises en garde des ONG sur ses conséquences, et certifiait qu’il saurait sans encombre le renégocier si nécessaire…

Or aujourd’hui, les doutes s’installent jusque dans les rangs des députés LREM, puisque dix-huit d’entre eux ont récemment transmis au Premier ministre une trentaine de propositions « d’encadrement » du Ceta, notamment celle pour l’instauration d’un « véto climatique » quand l’application du traité irait à l’encontre des mesures pour lutter contre le changement climatique.

Leurs inquiétudes viennent s’ajouter à l’opposition nette de Nicolas Hulot avant son entrée au gouvernement – plus policée aujourd’hui –, mais aussi aux critiques exprimées par Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique, qui a reconnu à l’Assemblée nationale la semaine dernière « le manque d’ambition [en la matière] du Ceta », après qu’un comité d’experts nommé par le gouvernement cet été a analysé le traité et considéré que « le grand absent [de celui-ci] est le climat ».

Les craintes envers ce texte sont, on le sait, aussi nombreuses que fondées puisqu’il permet aux multinationales d’attaquer les États devant des tribunaux d’arbitrage, entraînant de facto un nivellement par le bas des règles sanitaires et environnementales, mais va aussi faire subir aux entreprises les plus dépendantes du marché intérieur une concurrence agressive du fait de l’importation de gros volumes de produits en provenance du Canada. C’est le cas notamment dans le domaine alimentaire et agricole, avec en outre l’autorisation d’importer du bœuf traité aux hormones. Ou encore, autre réjouissance, l’arrivée de produits pétroliers non conventionnels, notamment ceux issus des schistes bitumineux de l’Alberta.

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En somme, une série de dérégulations supplémentaires des marchés dont se seraient bien passer les économies européennes, en particulier française. Le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner avait donc plutôt du mal à rassurer lorsqu’à la fin du Conseil des ministres où fut présenté ce plan (teinté d’impuissance) « pour la mise en œuvre du Ceta », il lançait ce vœu (pieux) : « Il faut mettre le CETA sous surveillance, de manière à défendre les intérêts de la France et de l’Europe »

Économie
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