Climat : « Les pays ont toutes les cartes en main »

Tandis que la COP 23 se clôt, Lucile Dufour, du Réseau action climat, fait un bilan mi-figue mi-raisin de cette conférence sur le climat. De beaux discours, mais un manque de mesures concrètes.

Marine Caleb  • 17 novembre 2017 abonné·es
Climat : « Les pays ont toutes les cartes en main »
© photo : Anthony Kwan / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images/AFP

La COP 23 suscitait de nombreuses attentes. Présidée par les îles Fidji, cette conférence mondiale sur le climat s’est tenue à Bonn en Allemagne du 6 au 17 novembre. L’occasion pour les 196 pays présents de prouver et d’intensifier les objectifs déclarés durant l’Accord de Paris en 2016.

Lucile Dufour, responsable des négociations internationales et du développement pour le Réseau action climat, était présente. Si elle regrette un décalage entre les promesses des États et les moyens mis en place pour les réaliser, les objectifs sont réalisables, les pays ayant toutes les cartes en main. Des efforts supplémentaires sont attendus pour 2018, une année charnière pour le climat.

Que pensez-vous du fait qu’Emmanuel Macron et Angela Merkel aient renouvelé les engagements de l’Europe ?

Lucile Dufour : Certains des gros émetteurs ont prononcé de beaux discours, comme Emmanuel Macron et Angela Merkel, mais on pêche vraiment en termes de leadership et d’améliorations concrètes. Et c’est ce décalage entre paroles et actes qu’il va falloir traiter. Même si Emmanuel Macron a parlé de mesures européennes qui vont être mises en place, l’Union doit réfléchir à une ambition globale sur la question climatique. Elle doit suivre des objectifs plus ambitieux sur la réduction d’émissions de gaz à effet de serre et sur le développement des énergies renouvelables. C’est là qu’on l’attend au tournant et qu’elle peut devenir un vrai leader.

Et c’est réalisable, car les pays ont toutes les cartes en main. On sait comment développer des énergies renouvelables, cela fonctionne et c’est de moins en moins cher. On a des outils qui permettent d’avoir des objectifs à long terme, comme la neutralité carbone en 2050, un équilibre entre ce qui est émis et ce qui est absorbé. Mais il faut se donner des moyens politiques. En France, il faut arrêter de tomber dans le piège du nucléaire en mettant en avant de faux arguments, par exemple la fermeture des centrales à charbon qui serait impossible si on réduisait la part du nucléaire, alors que l’on a des scénarios qui montrent que le développement des énergies renouvelables est possible.

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Que pensez-vous de l’engagement sur la sortie du charbon d’ici 2030 avec « l’Alliance pour faire du charbon une énergie du passé » [1] ?

C’est un signal positif. Nous allons être vigilants sur la mise en place de la sortie pour 2030, mais aussi des moratoires sur les nouvelles centrales. Pour la France, car cela correspond à quatre centrales sur l’ensemble du territoire national, or la sortie du charbon est déjà prévue à l’horizon 2022. La question en France va être de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les milieux les plus émetteurs, l’agriculture et les transports par exemple, et la question du nucléaire.

Où en est l’aide aux populations les plus démunies ?

La question de la solidarité entre pays riches et pays pauvres est une grosse déception. Les questions de fond n’ont pas été abordées, comme la promesse des pays riches de donner 100 milliards de dollars par an d’ici 2020, qu’ils avaient déjà faite à Copenhague en 2009 et à Paris en 2016. Actuellement, on est très loin du compte. La France est encore une mauvaise élève dans le financement pour l’adaptation au changement climatique. Tous les États doivent se saisir de cette question d’aide à l’adaptation, car c’est le ciment de l’Accord de Paris. Cela permet aux populations touchées non seulement de survivre, mais aussi de remplir les promesses qui ont été faites par les pays en développement d’accroître les énergies renouvelables. Il faudra que les États trouvent comment faire pour régler cela. Le fait que la France organise un Sommet sur le climat le 12 décembre sera une de nos grosses attentes, même si tout ne sera pas réglé à ce sommet.

Avec notamment le premier bilan des actions des pays suite à l’Accord de Paris, l’année 2018 va-t-elle être cruciale ?

Elle va être charnière. Surtout qu’à la COP, on a vu beaucoup de progrès sur le papier, mais qui ne sont pas encore concrétisés dans les politiques nationales. On a besoin d’avancer sur deux plans de manière urgente en 2018. D’abord, sur un manuel d’application de l’Accord de Paris, qui va rendre ce dernier crédible et qui va donner un signal fort à l’ensemble des acteurs engagés dans la lutte contre le changement climatique. La seconde priorité sera d’augmenter les promesses des pays qui nous mènent toujours à un réchauffement de plus de 3 degrés d’ici à la fin du siècle. La COP 23 a posé les bases, mais il faut plus d’ambition et un sursaut politique qui a manqué à Bonn.

[1] Le Royaume-Uni et le Canada ont lancé cette coalition pour la sortie du charbon, qui regroupe une vingtaine de pays, dont la France.

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