Menaces sur l’audiovisuel public

Le ministère de la Culture envisage de profondes réformes pour France Télévisions et Radio France. Un chantier explosif.

Jean-Claude Renard  • 14 novembre 2017
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Menaces sur l’audiovisuel public
© photo : LUDOVIC MARIN / AFP

Contribution au Comité action publique 2022 », ou bien « Cap 22 ». Tel est le nom du document confidentiel qui a fuité du ministère de la Culture. Un document de travail révélé par Le Monde portant sur des réformes en profondeur de l’audiovisuel public, visant, sous la houlette du Premier ministre Édouard Philippe, à réduire les défenses.

Et les perspectives envisagées sont conséquentes :

• Regrouper France Télévisions, Radio France et les autres sociétés du secteur au sein d’une même holding. On en reviendrait presque aux temps de l’ORTF.

• Rapprocher (c’est encore une fusion, mais on évite d’employer le mot) les réseaux régionaux de France 3 et France Bleu (un projet à l’étude depuis quelque temps) ; ce qui impliquerait la fermeture des bureaux régionaux de France 2 et une révision de l’offre régionale de France 3.

• Passage de France 4 et de Mouv’ en diffusion uniquement numérique.

• Suppression de France Ô, la chaîne des outremers, autre serpent de mer.

• Reconfiguration des orchestres de Radio France, ce qui relancerait le projet de suppression de l’un des deux orchestres ou de fusion, ce qui a en partie motivé la grève de près d’un mois à la Maison ronde, au printemps 2015.

• Revoir la gouvernance des entreprises d’audiovisuel public et retirer au CSA le pouvoir de nommer les présidents pour confier cette fonction aux conseils d’administration des entreprises, tandis que la nouvelle holding se verrait pilotée par un président.

Rien n’est précisé sur l’emploi, mais le document n’exclut rien, prédisant cependant « des départs non volontaires difficiles à éviter » et « le risque de très fortes réactions des personnels et des élus locaux à attendre ». Rappelons que le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une baisse des budgets à hauteur de 36 millions d’euros pour l’année prochaine. L’atmosphère est donc lourde au sein d’un service public déjà exsangue, dont on s’interroge sur les moyens qui seront alloués dans le futur à la création.

Cette démarche est inquiétante, encore plus venant de la ministre de la Culture, chargée de la communication. Car, si son entourage assure que la plainte ne vise pas « Le Monde », elle cible, de façon évidente, nos sources d’information en cherchant à les tarir par la menace de poursuites judiciaires. Une culture du secret en opposition complète avec la défense de la liberté de la presse et de la protection des sources.

Selon Le Monde, « toutes ces réformes pourraient potentiellement être mises en œuvre en 2018 dans la loi qui transposera la directive européenne sur les services de médias audiovisuels ». Des révélations qui n’ont pas manqué de heurter Françoise Nyssen, ministre de la Culture, dont le cabinet assure qu’il ne s’agit que de pistes de travail et de documents « non validés ». La ministre a également annoncé son intention de déposer plainte contre X, ce à quoi Luc Bronner, directeur de la rédaction du Monde, a répondu aujourd’hui :

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