Européennes : la gauche en mode trans

Benoît Hamon et Yanis Varoufakis se lancent ensemble dans la campagne des européennes de 2019. Jean-Luc Mélenchon, lui, prépare un autre rassemblement transnational.

Pauline Graulle  • 23 janvier 2018 abonné·es
Européennes : la gauche en mode trans
© photo : SERGE TENANI / CROWDSPARK

Les flashs ont crépité, dimanche dernier, au premier étage du « Falstaff », un bar de la Bastille. La photo était belle : Benoît Hamon et la « star » grecque de la politique, Yanis Varoufakis, tout sourire, côte à côte. Les élections européennes n’auront lieu qu’en juin 2019, mais la rencontre entre l’ex-socialiste leader de Génération.s et l’ancien ministre du gouvernement Tsipras, fondateur du mouvement Diem25, ont sonné le départ de la campagne.

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Unies dans leur combat contre l’Europe de l’austérité, contre l’Europe des frontières, et pour une Europe écologique, les deux formations entendent présenter des listes communes, former un groupe commun au Parlement européen, et soutenir un même candidat (Varoufakis lui-même ?) pour la course à la présidence de la commission.

En attendant, la première marche consiste à former des listes à plusieurs pays en contournant le code électoral qui ne prévoit pas la constitution de listes transnationales. « Juridiquement, les listes ne seront pas transnationales, mais nous ferons “comme si” à travers une plateforme, avec des leaders et des candidats de toute l’Europe », a précisé l’eurodéputée Isabelle Thomas. Un appel commun sera lancé en février, un meeting des « progressistes » aura lieu en mars, et la campagne commencera réellement dès le mois de juin.

Sur le fond, l’idée est de proposer une alternative, à la fois pro-européenne et antilibérale, tout en restant dans le cadre des traités existants. Ou, pour le dire vite, une voie médiane entre Macron et Mélenchon. « Après la crise de 2008, deux forces politiques ont vu le jour qui s’alimentent l’une l’autre : d’un côté, il y a “l’establishment”, de l’autre, les “desintégrationnistes” qui entendent protéger les travailleurs en sortant de l’Europe », a expliqué, dimanche, Yanis Varoufakis, qui veut « faire de l’Europe un creuset de solutions d’espoir et plus seulement de mécontentement et de pessimisme ». « Oui, l’Europe peut être nouvelle à traités constants », a renchéri Benoît Hamon, sans exclure de « changer les traités ». D’ici deux ans si possible…

« Les portes sont ouvertes »

Si Diem25 et Génération.s disent avoir d’ores et déjà décidé de dessiner leur avenir en commun, les deux mouvements espèrent être rejoints par d’autres. Yanis Varoufakis file la métaphore : « Le train quitte la gare, mais toutes les portes sont ouvertes. » Des figures comme le maire de Naples ou la maire de Barcelone, proche de Podemos, auraient été approchées. Diem25 et Génération.s rêvent également de tirer profit des divisions du SPD allemand qui vient d’accepter d’une courte majorité l’ouverture de négociations formelles avec Angela Merkel pour former un gouvernement commun.

En France, la perspective de faire liste commune avec Jean-Luc Mélenchon confine en revanche à l’impossible. Si la stratégie de la France insoumise n’a pas encore été totalement arrêtée, l’ex-candidat à la présidentielle prône une autre ligne politique que celle portée par Benoît Hamon et Yanis Varoufakis. « Contrairement à eux, et c’est une différence fondamentale, nous considérons que nous ne pouvons pas changer les choses en restant dans les traités actuels, souligne Djordje Kuzmanovic, porte-parole sur les questions européennes pour la France insoumise. Toute personne honnête ne peut que reconnaître que sans politique budgétaire et monétaire propre, et sans possibilité d’investir, la France ne peut rien faire à traité constant. » « Et d’ailleurs, cela fait deux ans que nous travaillons avec nos partenaires sur la perspective d’un plan B [de sortie de l’Union européenne en cas d’échec du plan A, NDLR] », ajoute-t-il, rappelant au passage, non sans malice, que l’ancien numéro 2 du gouvernement Tsipras était lui aussi venu défendre l’idée d’un plan B à la Fête de l’Huma en 2015, avant de tourner casaque pour, juge « l’insoumis », « se vautrer aujourd’hui dans l’européolâtrie ».

Comme une redite de la présidentielle de l’an dernier, c’est donc le scénario de la concurrence entre deux gauches qui se profile. Jean-Luc Mélenchon compte ainsi lui aussi ouvrir un front large avec des partenaires européens du « Plan B » : Podemos en Espagne, la formation de Zoé Konstantopoulou en Grèce ou le Bloco portugais… Le député de Marseille espère également convaincre la gauche allemande de Die Linke, avec qui il vient de signer un texte intitulé « Sortir l’Europe de la crise ».

Pour l’instant Benoît Hamon et Yanis Varoufakis ont de toute façon autre chose que la France insoumise en tête. Des discussions avec le PCF et EELV ont déjà commencé, assurent-ils. Chez les Verts, rien n’a l’air simple – comme souvent. Contacté par Politis, David Cormand, secrétaire national d’EE-LV, n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.

Au PCF, Anne Sabourin, en charge des affaires européennes, attend le conseil national du 30 et 31 mars pour soumettre les orientations stratégiques et électorales prises par le PCF. Pour l’heure, la place du Colonel-Fabien assure s’être contentée d’envoyer des courriers pour rencontrer les représentants de gauche (le Diem25 français, mais aussi la France insoumise, Génération.s, EE-LV, le MRC et République & Socialisme) en vue des européennes. « Avant de prendre des décisions, on veut parler du fond et écouter ce que chacun a à dire », explique Anne Sabourin. Benoît Hamon et Pierre Laurent pourraient se rencontrer cette semaine. Jean-Luc Mélenchon, est le seul à n’avoir pas encore répondu.

Mais pas question pour l’instant de choisir entre la ligne Hamon-Varoufakis et la ligne Mélenchon, assure-t-on au PCF. « On veut être un trait d’union entre tout le monde car il ne faut surtout pas se laisser piéger par le débat “pour” ou “contre” l’Europe », poursuit Anne Sabourin. Si la communiste souligne que le PCF est très majoritairement sur la ligne du « changement radical », elle avoue néanmoins que « pour la grande majorité des communistes, sortir de l’union ne serait en aucun cas une solution ». Il n’y a donc pas trop de suspense à prévoir sur les alliances à venir…

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