Au tribunal, Attac dénonce la « plainte bâillon » d’Apple

La multinationale assignait Attac en référé ce lundi, pour faire cesser ses actions dans les Apple Store et les « dommages imminents » qu’elles induiraient.

Erwan Manac'h  • 12 février 2018
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Au tribunal, Attac dénonce la « plainte bâillon » d’Apple
© photo : stéphane de sakutin

Le comité de soutien des grands jours était réuni ce lundi midi sur le parvis du palais de justice de Paris. Toute la gauche politique et une pléiade de syndicats et associations [1] sont venus témoigner leur soutien à Attac et redire leur indignation contre l’évasion fiscale. Sur le thème de « l’empire Apple contre Attac », et face à un important parterre de journalistes, ils dénoncent la procédure judiciaire en référé (urgence) intentée contre l’association pour faire cesser les occupations de magasin.

Dans la salle des référés, les débats tournent autour de l’imminence d’un « dommage » pour la marque à la pomme. Les avocats d’Apple Retail France, maîtres Lévy et Itzkovitch, ne contestent pas le caractère pacifique des actions de l’association, depuis le mois de mars. Mais ils s’inquiètent de leur « montée en puissance ».

13 milliards d’impôts oubliés

Maître Lévy, dépêché en dernière minute sur le dossier, dénonce « le mensonge » des militants et, se tournant vers la salle, raille « l’escroquerie » d’Attac, quant à son principal mot d’ordre contre Apple. Les 13 milliards que la firme doit au fisc irlandais, sur injonction de la Commission européenne, ne constituent pas _« une amende », martèle maître Lévy, mais un « arriéré d’impôts ». Ce qui lui permet de conclure qu’Apple « n’est pas une société délinquante ».

La firme Apple « tient à souligner qu’elle est la plus respectueuse possible de la liberté d’expression » et son avocat vante même le droit « à la caricature et au mensonge », dans un énième tacle à ses adversaires. Ce qui motive en revanche sa contre-attaque vigoureuse – la filiale demande une astreinte de 150 000 euros – c’est l’occupation de son magasin parisien d’Opéra, le 2 décembre 2017, qui l’a contrainte à fermer boutique.

« Imaginez de devoir rendre votre office devant une salle où des gens jouent de la musique et s’enchaînent à votre lampe », s’émeut maître Lévy en interpellant la présidente du tribunal.

D’autant qu’Attac a promis de continuer ses actions, tant que les 13 milliards dus par Apple à l’Irlande ne seront pas payés, et « de se montrer inventif » si une astreinte devait être prononcée contre les occupations de magasin.

La défense d’Attac conteste la compétence du tribunal des référés pour juger d’actions militantes et réfute tout « dommage imminent ». En faisant valoir qu’aucune dégradation n’a été relevée par Apple.

Champion de l’évasion fiscale

Attac a fait d’Apple une cible privilégiée, parce qu’elle est la première capitalisation boursière au monde et ne paye que 4,5 % d’impôt sur ses bénéfices à l’international, grâce à l’Irlande et à l’île de Jersey, où elle a domicilié son siège européen. Selon les calculs de l’association, dans son dernier rapport sur la multinationale, sur un iPhone 8 vendu autour de 800 dollars, 288 dollars payent les composants et seulement 7 dollars rémunèrent la main-d’œuvre. Le reste va notamment aux actionnaires (47 milliards de dollars de dividendes distribués entre 2012 et 2016).

Devant le Palais de justice, Attac déployait ce lundi, comme à son habitude, une mise en scène humoristique. Déguisés en personnages de la série culte Star wars, ses militants donnaient corps à « la grande alliance » qu’ils appellent de leurs vœux.

Une grande journée d’action est en préparation pour le printemps, afin d’accentuer la pression sur le gouvernement et les multinationales pour tenter de faire adopter une législation réellement contraignante contre l’évasion fiscale.

Le tribunal des référés rendra quant à lui son délibéré le 23 février.

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[1] Emmanuel Maurel (PS) ; Clémentine Autain, Éric Coquerel et Jean-Luc Mélenchon (FI), Isabelle De Almeida (PCF), Yannick Jadot (EELV), Olivier Besancenot (NPA), Benoît Hamon, excusé (Generation.s), ainsi que Sud-Solidaires, la CGT, la FSU, le MNCP.

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