Du sang sur les mains

Un rapport pointe les transferts d’armes de la France dans le cadre du conflit au Yémen.

Sébastien Fontenelle  • 28 mars 2018 abonné·es
Du sang sur les mains
© photo : BANDAR AL-JALOUD / SAUDI ROYAL PALACE / AFP

Amnesty international et l’Acat [1] ont publié, ce 20 mars, un rapport, auquel la presse, étonnamment [2], n’a donné qu’un petit écho [3]. Cette retenue est regrettable, car ce document est, à tout le moins, édifiant – par lui-même et pour ce qu’il révèle (ou confirme) de la haute moralité du gouvernement de MM. Macron et Philippe, en même temps que du précédent, qui était, comme on se le rappelle, sous la double direction de MM. Hollande et Valls, « socialiste ».

Il s’agit d’un « avis juridique », rédigé par des avocat·e·s [4] mandaté·e·s par ces deux ONG, et qui porte sur « les transferts d’armes de la France dans le cadre du conflit au Yémen, à compter d’avril 2015 jusqu’à la période actuelle ».

Où l’on trouve d’abord la confirmation que la France, donc, a, « depuis le début du conflit au Yémen, conclu », sous le couvert d’une très compacte opacité, « d’importants contrats » avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (ÉAU), mais aussi avec d’« autres pays […] engagés dans la coalition » menée par Riyad, qui depuis trois ans martyrise ce pays – le Yémen – où la guerre a déjà fait 9 300 morts [5] – des civil·e·s pour beaucoup.

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Par exemple – et tout à fait au hasard [6] : « En 2015, [le groupe] Dassault a conclu avec le Qatar un contrat de vente concernant 24 avions Rafale. Le contrat prévoit également la formation de mécaniciens, tandis que l’armée de l’air française assurera » – aux frais, donc, des contribuables, qui ne sont bien sûr pas du tout informé·e·s de l’usage qui est ici fait de leur impôt – « la formation des pilotes qataris ».

Mais où l’on trouve aussi, et surtout, l’affirmation que « ces exportations », faites en pleine connaissance de cause, « pourraient constituer vraisemblablement une violation par la France » du Traité sur le commerce des armes (TCA), ratifié par Paris en 2014, qui, rappelle Amnesty, « interdit les transferts d’armements dès lors qu’il existe un risque […] que ces armes puissent être utilisées pour commettre ou faciliter des violations graves du droit humanitaire international ».

Et de tout cela, évidemment, MM. Macron (qui aime tant crier dans les réseaux sociaux que #FranceIsBack [et qu’il faut donc vitement #ChooseFrance]) et Philippe n’ignorent rien. Réagissent-ils ? Absolument : le mois dernier encore, le second était à Abou Dhabi (ÉAU), où il a, il va de soi, tenté de fourguer quelques armes supplémentaires. Car de tout cela, semble-t-il, MM. Macron et Philippe se lavent les mains – sans trop se soucier de ce que leurs eaux s’en trouvent un peu rougies.

[1] Action des chrétiens pour l’abolition de la torture.

[2] À l’exception de La Croix, qui lui a, au contraire, consacré un très pertinent dossier.

[3] On veut croire ici que cette circonspection est sans rapport, même lointain, avec le détail qu’elle est, dans une conséquente proportion, détenue par des marchands d’armes…

[4] Pour le cas où tu ne saurais pas encore faire le point médian avec ton Mac, je te donne le raccourci : alt+maj+f.

[5] Et plus de 50 000 blessé·e·s.

[6] Je le précise, parce que je ne voudrais pas que tu me soupçonnes de soupçonner que l’opulence de cette transaction explique pourquoi Le Figaro, qui appartient au même groupe Dassault, n’a pas écrit le moindre mot sur ce sujet.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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