SNCF : Le gouvernement sur la mauvaise voie

Le mouvement des cheminots a commencé fort contre l’idéologie managériale qui sous-tend le projet de réforme.

Erwan Manac'h  • 5 avril 2018 abonné·es
SNCF : Le gouvernement sur la mauvaise voie
© photo : BERTRAND LANGLOIS / AFP

La grève a démarré très fort le 3 avril à la SNCF : 48 % de grévistes, dont 77 % chez les conducteurs, selon la direction, soit presque le niveau de mobilisation de la première journée de grève en 1995 (respectivement 60 % et 85 %). Philippe Martinez, le patron de la CGT, rapportait que seulement 125 cadres ont accepté de remplacer des grévistes, malgré la prime de 150 euros proposée par la SNCF. Mardi débutait aussi l’examen du projet de loi « pour un nouveau pacte ferroviaire » par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale. Le texte, frappé d’une procédure d’urgence afin que les travaux parlementaires s’achèvent avant l’été, autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance. Il prévoit la fin du statut pour les nouveaux embauchés et la transformation de la SNCF en société anonyme à capitaux publics.

Durant les discussions au Parlement, les articles d’habilitation à réformer par ordonnance pourraient être progressivement remplacés par des lois directes, ce qui permet au gouvernement d’annoncer qu’il renonce aux ordonnances tout en lui permettant en réalité d’accélérer encore la procédure. Pendant ce temps, un cycle de négociations intenses – et stériles selon plusieurs syndicats – doit établir un calendrier pour l’ouverture à la concurrence, ligne par ligne, et définir les conditions dans lesquelles les cheminots changeront d’employeur, lorsque leur ligne sera « gagnée » par une entreprise privée à la suite d’un appel d’offres. D’autres discussions s’engagent dans le même temps pour la rédaction d’une convention collective pour le rail, qui s’appliquera aux salariés du privé. Et un troisième chantier a été ouvert en interne, au sein de la SNCF, pour l’élaboration d’un « projet stratégique ».

Ses grandes lignes, révélées fin mars, reprennent tous les ingrédients de l’idéologie managériale consacrée par Emmanuel Macron et sa loi travail : rémunérations individualisées, notation et classement des salariés, fusion des instances représentatives du personnel, « organisations plus plates et réduction des niveaux hiérarchiques », c’est-à-dire suppression de postes de cadres intermédiaires, etc. Le désaccord semble donc beaucoup trop profond pour envisager une désescalade du rapport de force sur la base de quelques « concessions » éventuelles du gouvernement. La CGT, SUD Rail et l’Unsa sont en effet opposés, par principe, à l’idée d’une ouverture à la concurrence.

Économie
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