Crimes et délits ordinaires

Avec « Exercice de la justice », documentaire diffusé jeudi 14 juin, Michaël Prazan suit le quotidien du palais de justice de Vienne. Une radioscopie au scalpel de la justice.

Jean-Claude Renard  • 12 juin 2018
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Crimes et délits ordinaires
© photo : VALENTIN BELLEVILLE / HANS LUCAS

Chaque année, plus de quatre millions d’affaires sont portées devant les tribunaux. « Derrière, il y a des hommes, des femmes, des enfants », dit en préambule Michaël Prazan dans ce documentaire en deux volets. En France, plus d’un millier de juridictions et plusieurs dizaines de palais de justice sont là pour les accueillir. Le réalisateur a choisi celui de Vienne, en Isère.

Dans une salle exigüe, une comparution immédiate pour un trafic de stupéfiants et « remise illicite à détenu », à laquelle le jeune homme répond en évoquant le comportement dégradant et agressif des surveillants pénitentiaires. Suivent la demande de mineurs d’une quinzaine d’années pour l’acquisition de la nationalité française, puis l’évocation d’une affaire de proxénétisme dans le bureau du procureur de la République, avant le déferrement devant lui d’un homme accusé de conduite en état d’ivresse, au casier judiciaire assez lourd, plusieurs fois récidiviste. Ce sera pour lui un retour en prison. Celle de Saint-Quentin-Fallavier, là où justement se rend ce même procureur pour s’entretenir avec les détenus qui en ont fait la demande.

Juges, avocats, magistrats greffiers, secrétaires, substitut du procureur, juge du surendettement, prévenus en tout genre… Tous passent devant la caméra (discrète) de Michaël Prazan, la plupart à visage découvert (un fait rare en matière de documentaire), d’autres de dos ou floutés. Le réalisateur sort ainsi du film où les chiffres s’additionnent et les cas anonymes sont relatés pour donner chair à son sujet, le fonctionnement de la justice, vu de l’intérieur – en intervenant très peu en voix off. Le réalisateur suit subtilement au plus près une foule de personnages, de l’ensemble du personnel administratif au tribunal correctionnel, du service de l’application des peines au tête-à-tête entre une enfant et une assistante éducative, jusqu’à l’intervention d’une patrouille de gendarmes. Embrassant ainsi tout un univers et ses différents maillons. Non sans s’épargner une réflexion sur le poids de l’incarcération, ses conséquences : « Tout ce que vous avez en prison, ce sont des enfants de la France, dit un détenu au procureur de la République. Et qu’est-ce qu’on fabrique en prison ? Du repli sur soi, de l’anxiété, des borderlines, des surveillants qui n’en peuvent plus parce qu’on enferme des Cocotte-Minute ! »

Avec cet « Exercice de la justice », sobre et émouvant à la fois, c’est le bal de la vie ordinaire qui est filmé là, avec ses misères, ses grandes et petites histoires, ses défaites intimes, ses crimes et délits, mais aussi ses anecdotes anodines. Sans concession, sans pathos.

L’exercice de la justice, jeudi 14 juin, à 22h30, sur France 3 (2x1h) et en replay sur le site de France Télévisions.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes
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