Les collectivités dans la nasse du privé

En imposant aux mairies, aux départements et aux régions une limitation des dépenses, le gouvernement les pousse à déléguer les services publics.

Michel Soudais  • 27 juin 2018 abonné·es
Les collectivités dans la nasse du privé
© photo : À l’assemblée générale des actionnaires de Vinci, le 17 avril 2018. crédit : ERIC PIERMONT/AFP

Les difficultés budgétaires des collectivités locales font le bonheur des sociétés délégataires de services publics, aux premiers rangs desquelles plusieurs figures du CAC 40 (Vinci, Veolia, Suez, Bouygues, Eiffage…). C’est vers elles que se tournent les municipalités, structures intercommunales, départements ou régions qui ne peuvent offrir à leurs administrés un service ou un équipement sans grever leur budget. Une tendance que la politique du gouvernement va encore accentuer.

Après deux quinquennats de baisse autoritaire des dotations de l’État, ce dernier, tout à sa volonté de réduire la dépense publique, veut inciter les 322 collectivités les plus importantes – celles dont les dépenses de fonctionnement dépassent 60 millions d’euros – à s’engager par contrat d’ici au 30 juin à limiter à 1,2 % (inflation comprise) l’augmentation annuelle de leurs dépenses de fonctionnement, sous peine de lourdes sanctions financières. En échange de quoi les « bons élèves » pourraient – cela dépendra des préfets – obtenir une majoration du taux de subvention des projets financés par la dotation de subvention à l’investissement local.

Un marché de dupes rejeté par nombre de mairies à direction communiste, qui dénoncent un diktat de l’État et une remise en cause du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. « Concrètement, cela veut dire que Tremblay n’aurait plus la liberté d’engager les dépenses qu’elle juge utile au bien-être des Tremblaysiens, quand bien même elle disposerait des ressources nécessaires ! », s’insurge François Asensi, maire (Front de gauche) de cette commune de Seine-Saint-Denis. 77 % des présidents de conseil départemental, réunis en assemblée générale le 20 juin, ont également réaffirmé leur opposition à ces « pactes financiers » perçus comme des « lettres de cadrages » intenables. Le même jour, les présidents de régions annonçaient ne pas vouloir signer un texte « diabolique et humiliant ».

Pour rester dans l’épure du 1,2 % imposé par l’État, les collectivités signataires n’auront vite d’autre choix, si elles veulent maintenir leurs services publics ou en développer (cantine, crèche, école, établissement culturel, installation sportive…), que de faire appel à des concessionnaires privés qui se rémunéreront sur l’exploitation du service. Il n’est pas interdit de penser que le développement de ces marchés très lucratifs est un des objectifs cachés du gouvernement.

Économie Société
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Dans 56 journaux télévisés, moins de 3 minutes sur Gaza
Palestine 12 novembre 2025 abonné·es

Dans 56 journaux télévisés, moins de 3 minutes sur Gaza

Un mois après le « plan de paix » signé sous l’impulsion de Donald Trump, Benyamin Netanyahou a relancé les bombardements sur Gaza, en violation de l’accord. Depuis trois semaines, les médias français semblent passer sous silence la reprise de l’offensive israélienne.
Par Kamélia Ouaïssa
« À la Philharmonie de Paris, le public nous a littéralement lynchés »
Palestine 11 novembre 2025

« À la Philharmonie de Paris, le public nous a littéralement lynchés »

Jeudi 6 novembre, le collectif Palestine Action France a perturbé la tenue du concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël à la Philharmonie de Paris. Des militants se sont fait violemment frapper par des spectateurs. Pour la première fois, une participante prend la parole pour expliquer sa version des faits.
Par Pierre Jequier-Zalc
Philharmonie de Paris : le contenu des deux plaintes pour violence volontaire
Révélations 10 novembre 2025

Philharmonie de Paris : le contenu des deux plaintes pour violence volontaire

Lors de l’action contre la tenue du concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël à la Philharmonie de Paris, jeudi 6 novembre, deux militants propalestiniens se sont violemment faits frapper. Blessés, ils ont porté plainte pour violence volontaire.
Par Pauline Migevant et Pierre Jequier-Zalc
Expulsion illégale : une famille porte plainte contre le préfet des Hautes-Alpes
Enquête 5 novembre 2025 abonné·es

Expulsion illégale : une famille porte plainte contre le préfet des Hautes-Alpes

Une plainte pour « abus d’autorité » a été déposée contre le préfet des Hautes-Alpes par une famille expulsée illégalement en septembre. Celle-ci était revenue en  France traumatisée et la mère avait fait une fausse couche, attribuée au stress causé par l’expulsion.
Par Pauline Migevant