« Promenades photographiques » de Vendôme : Galerie de portraits

Couvrant tout l’été, les « Promenades photographiques » de Vendôme, font la part belle aux femmes photographes contemporaines. Avec un programme éclectique.

Jean-Claude Renard  • 23 juillet 2018 abonné·es
« Promenades photographiques » de Vendôme : Galerie de portraits
© photos : Inta Ruka, Nathalie Baetens

En noir et blanc, et au format carré. Dans la campagne lettonne, des portraits simples, efficaces et directs. Des anonymes cadrés dans leur modeste intérieur ou bien au seuil de leur baraquement, une mère et ses enfants, un vieillard endormi, tout au bout de la vie, une famille qui pose devant l’objectif au pied d’une maison en bois, un couple d’amoureux presque endimanchés, la chambre d’un môme tapissée de posters et de calendriers, des vieilles dames au regard perçant, fixant on ne sait quel avenir.

Foin d’artifice chez Inta Ruka (voir la photographie ci-dessus). L’image est brute et brutale. Il y a chez elle, fixant son regard sur l’histoire contemporaine de son pays, du August Sander et du Dorothea Lange dans son envie manifeste de cadrer, documenter, dresser un inventaire. Avec une infinie bienveillance, la méticulosité d’une ébéniste.

Autre inventaire, celui de Xinyi Hu, consacrant une série de photos, de prises de vues aux couleurs acidulées dans les supermarchés, sans montage. Des saucissons sous emballage plastique, comme des gressins ou des baguettes « aux graines », des rayons de films en DVD (où se distinguent Jules et Jim, Tirez sur le pianiste, Trois couleurs : Bleu et Pickpocket), des lots de socquettes et des « offres spéciales » pour des rôtis de porc sous vide (à 4,55 euros le kilo).

« L’idée m’est venue, confie la photographe, en constatant ma confusion devant le terrain immense de la consommation : le supermarché. Nous nous confondons, d’une certaine manière, avec les articles. Le consommateur consomme, se consomme, se consume à travers la consommation. » Au regard de ses images, entre fascination et répulsion, c’est exactement observé.

Des femmes aux démarches singulières

À l’évidence, cette quatorzième édition des Promenades photographiques de Vendôme, avec une quinzaine d’expositions présentées dans différents lieux historiques de la ville (le manège Rochambeau, la chapelle Saint-Jacques, l’orangerie du château, ou encore les écuries), a choisi de faire la part belle aux femmes photographes.

Des femmes aux démarches singulières. Tel est le cas de Nathalie Baetens (voir la photographie ci-dessous), auteure de photographies et vidéos, en noir et blanc, réalisées à l’occasion d’ateliers de danse, rituel et thérapie, des ateliers orchestrés par le psychothérapeute Paolo Malvarosa. Des postures lascives, voire coquines sous les masques, parfois inquiétantes, sombres, peut-être en colère (qui sait qui ou quelle humeur se cache derrière ces masques divers ?), des corps désarticulés, élastiques, harnachés de costumes, des figures brutes, parfois animales, en mouvement, sinon en transe.

© Politis

Tristesse intime et joie mineure

Nathalie Baetens travaille sur l’étrangeté des mondes, ou plutôt sur les mondes parallèles. Parce qu’au fil de son parcours thérapeutique, chaque patient est amené à créer des masques inspirés par son cheminement intérieur. Entre art brut et ethnographie contemporaine, cette galerie de portraits masqués constitue un témoignage remarquable sur la psychothérapie aujourd’hui. Et dont le choix du noir et blanc, adossé à un traitement photographique radical, permet de décaler le sujet de son ancrage thérapeutique pour en révéler la dimension onirique.

Cette lascivité des modèles, on la retrouve dans le travail de Caty Jan, avec ses planches-contacts imprimées, ses formats rectangulaires, livrant, là encore en noir et blanc, un soir de mai 1995, dans les entrailles d’un sous-sol, des ombres, des silhouettes, des paillettes, des mots discrets, la moiteur des coulisses du Cabaret national de Cuba. Se succèdent les pièces enfumées, l’élégance des corps, une sensualité dans les alcôves des fées, des beautés aux contours flous, le fond de loges étroites, les culs-de-basse-fosse dans La Havane défunte, le toutim comme un flash de junky. Tristesse intime et joie mineure. Chaque image semble murmurer à l’oreille de la photographe, qui ne se prive pas de figer les formes, rehausser la beauté des visages, palper l’effervescence. Soit, en un seul soir, l’inventaire d’un cabaret cubain, qui toujours se renouvelle.

Promenades photographiques, Vendôme (Loir-et-Cher), jusqu’au 2 septembre. Entrée libre. Renseignements au 02 54 72 02 47 ou sur www.promenadesphotographiques.com

Culture
Temps de lecture : 4 minutes

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