343 Européennes signent un manifeste pour le droit à l’avortement

« Mon corps, mes droits ! » L’appel est clair. Face à la mise en danger de cette liberté, 343 femmes de 28 pays d’Europe signent ce vendredi un manifeste pour le droit à l’avortement.

Romain Haillard  • 12 octobre 2018
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343 Européennes signent un manifeste pour le droit à l’avortement
© Photo : Alain Pitton/NurPhoto/AFP

L’appel sonne comme un cri du cœur : « Mon corps, mes droits ! » 343 femmes issues de 28 pays européens ont signé ce texte pour défendre le droit à l’avortement. Parmi les signataires, la militante féministe Caroline De Haas et la sénatrice socialiste Laurence Rossignol. Publié dans L’Obs, le texte entend réagir à la mise en péril de cette liberté suscitée par des « politiques régressives ».

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Déjà, le 5 avril 1971, Le Nouvel Observateur publiait un premier « Manifeste des 343 » rédigé par Simone de Beauvoir :

Un million de femmes se font avorter chaque année en France. Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples. On fait le silence sur ces millions de femmes. Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir avorté. De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l’avortement libre.

À l’époque, avoir recours à l’interruption volontaire de grossesse ou faire de la « propagande anticonceptionnelle » pouvaient conduire à de l’emprisonnement ferme.

« Ce droit peut être remis en cause à tout moment »

Mais les risques judiciaires encourus n’ont pas entièrement disparu. Une gynécologue comparaît ce vendredi devant un tribunal allemand pour avoir publié des informations sur l’IVG, informations qualifiées de « publicité », chose interdite dans son pays. Une liberté d’expression atrophiée selon les auteures du texte, à mettre en parallèle avec les propos du pape François. Dans son homélie, l’homme d’église a comparé l’avortement au recours à un « tueur à gages ». « Ce droit, historiquement gagné, peut être remis en cause à tout moment », s’inquiète Marie Toussaint, militante EELV et signataire.

Pointée du doigt par les 343, la montée des nationalismes et du conservatisme représente également un danger. Les regards se portent notamment sur l’Italie depuis l’accession de l’extrême droite au pouvoir. Lorenzo Fontana, ministre de la Famille et membre de la Ligue, cristallise cette menace. En juin, il avait déclaré vouloir « dissuader les femmes d’avorter », dans un pays où près de 70 % des gynécologues refusent déjà cette opération.

Une inégalité entre les femmes européennes que les signataires décrient. Elles revendiquent un avortement « sûr et légal » dans tous les pays de l’Union. Mais comment faire ? « L’Europe devrait soutenir financièrement les associations et prendre position », propose la militante écologiste. Elle poursuit : « Les pays membres pourraient réviser la charte fondamentale des droits de l’UE et conditionner l’adhésion à la communauté au respect du droit à l’avortement. »

Le Manifeste est ouvert aux signatures et s’adresse à _« tous ceux qui se battent pour les droits des femmes » selon Marie Toussaint. Mais pas que. Elle lance sur un ton de défi : « Nous nous adressons également aux conservateurs et aux réactionnaires. Nous leur disons : s’ils veulent porter atteinte à nos droits, nous leur barrerons la route. »

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