Éric Sadin : « Une liquidation du politique »

Le philosophe Éric Sadin observe, avec le développement de l’intelligence artificielle, une « mise au ban de l’humain », par et pour l’industrie du numérique.

Erwan Manac'h  • 24 octobre 2018 abonné·es
Éric Sadin : « Une liquidation du politique »
© photo : Stephan Larroque

Entre les louanges béates d’une intelligence artificielle « prométhéenne » et la peur aveugle d’une prise de contrôle des robots sur le monde, le débat sur les progrès fulgurants du numérique ne permet pas de penser la véritable nature des changements qui s’esquissent, estime Éric Sadin dans son dernier livre, L’Intelligence artificielle, ou l’enjeu du siècle. En confiant à des machines aux capacités décuplées le rôle d’administrer nos vies, on abandonne notre subjectivité, écrit le philosophe. D’où l’urgence d’entrer dans le « conflit des rationalités », pour ne pas laisser les industriels seuls arbitres dans ce tournant civilisationnel.

Vous estimez que l’expression même d’« intelligence artificielle » (ou IA) doit être questionnée. Pourquoi ?

Éric Sadin : L’intelligence artificielle s’inspire du modèle neuronal. Nombre de labos de recherche s’y intéressent aujourd’hui. Ils réactualisent l’ambition de la cybernétique, à l’œuvre il y a cinquante ans, qui a vainement cherché à dupliquer le cerveau humain. Cette volonté, réapparue à la fin des années 2000, se fonde sur des principes extrêmement schématiques qui ne correspondent en aucune manière à l’infinie complexité de notre cerveau et à notre appréhension multisensorielle du réel, qui est permise à travers le corps. C’est pourquoi il ne faut pas nous laisser abuser par ce « neurolexique » qui s’est imposé. Il ne s’agit aucunement d’intelligence artificielle. Nous avons plus exactement

Envie de terminer cet article ? Nous vous l’offrons !

Il vous suffit de vous inscrire à notre newsletter hebdomadaire :

Vous préférez nous soutenir directement ?
Déjà abonné ?
(mot de passe oublié ?)

Pour aller plus loin…

« On ne peut pas accueillir toute la misère du monde », une phrase intenable
Entretien 25 septembre 2023

« On ne peut pas accueillir toute la misère du monde », une phrase intenable

Pierre Tevanian est l’auteur avec Jean-Charles Stevens du livre « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde. En finir avec une sentence de mort ». Il revient sur cette expression qui sert à clore le débat, et s’alarme de la dérive xénophobe du débat public sur l’immigration.
Par Embarek Foufa
« Jamais je n’aurais imaginé que mes enfants seraient placés chez l’agresseur »
Luttes 22 septembre 2023

« Jamais je n’aurais imaginé que mes enfants seraient placés chez l’agresseur »

L’État est poursuivi par l’avocate Pauline Rongier, dans l’affaire de Sophie Abida dont les trois enfants ont été placés chez le père, accusé d’inceste. Cette audience d’ouverture de la procédure a suscité le soutien d’autres mères « désenfantées ». Reportage.
Par Pauline Migevant
« Poursuivre un médecin est intolérable quand il s’agit de protéger les enfants »
Entretien 22 septembre 2023

« Poursuivre un médecin est intolérable quand il s’agit de protéger les enfants »

Françoise Fericelli, pédopsychiatre cofondatrice du collectif Médecins Stop Violences, déplore que l’Ordre des médecins sanctionne les praticiens qui signalent des violences intrafamiliales.
Par Pauline Migevant
« Tout le monde se fiche que l’État viole le droit des étrangers »
Entretien 20 septembre 2023 abonné·es

« Tout le monde se fiche que l’État viole le droit des étrangers »

Alors que le 29e projet de loi sur l’immigration depuis 1980 sera en discussion cet automne au Sénat et à l’Assemblée nationale, l’autrice d’Étranger, juriste, chercheuse et membre du Gisti, examine le rapport de l’État au concept de nationalité.
Par Hugo Boursier