LFI et les gilets jaunes : bienveillance et distance

Réunis à Bordeaux les 8 et 9 décembre, les insoumis ont participé aux cortèges mais réfutent toute récupération.

Agathe Mercante  • 12 décembre 2018 abonné·es
LFI et les gilets jaunes : bienveillance et distance
© photo : Le 8 décembre dans les rues de Bordeaux.crédit : NICOLAS TUCAT/AFP

De part et d’autre de la route qui longe la Garonne, samedi 8 décembre à Bordeaux, les acteurs de la marche pour le climat et les gilets jaunes ont cohabité avec bienveillance avant de prendre deux directions opposées. Quelques chasubles jaunes tranchent dans les rangs des manifestants pour le climat. Quelques manteaux d’hiver font pâle figure dans le déluge fluo. Dans le yin et le yang des colères de ce mois de décembre, un autre sigle : le « phi » de La France insoumise. Avant le départ des cortèges, une délégation de LFI s’est jointe aux groupes : Jean-Luc Mélenchon, Adrien Quatennens, Ugo Bernalicis, Danièle Obono et le député du cru, Loïc Prud’homme, sont accueillis par quelques applaudissements, quelques huées aussi.

Réunie au parc des expositions de Bordeaux, la convention annuelle de LFI, qui devait être consacrée aux élections européennes (lire ici), a été happée par les gilets. _« Ce mouvement est une belle chose, il est celui du peuple », estime Solange, membre d’un comité d’action dans le Rhône. « Il est trop beau pour être éclaté par les récupérations politiques », prévient-elle toutefois. Beaucoup d’insoumis partagent ce point de vue : soutenir, accompagner le cortège des gilets, oui ; se l’approprier, non. Une position pas toujours facile à tenir, entre soutien absolu et condamnation des revendications à caractère anti-migrants égrenées çà et là sur les ronds-points français. La dénonciation aux forces de l’ordre, le 20 novembre dans la Somme, d’un camion transportant des migrants n’est pas dans leur ADN. « On soutient les plus démunis, qu’ils viennent de France ou d’ailleurs », souligne Solange. « Les gilets jaunes sont à l’image des Français, ils sont blancs, noirs… et une poignée d’entre eux sont racistes, constate Rossana Morain, ex-candidate aux législatives. La violence vis-à-vis des migrants, c’est aussi celle du gouvernement quand il refuse d’accueillir l’Aquarius. »

Mais la violence est partout à Bordeaux ce 8 décembre. Affrontements, pillages et casseurs ne sont pas du goût des insoumis. Pas plus que les déclarations du gouvernement. « La République en marche raconte que les manifestants veulent tuer des flics, mais, si les gilets jaunes voulaient tuer des flics, il y aurait des flics morts », explique Arthur, militant en Gironde. Tous ont en tête les violences perpétrées par les forces de l’ordre. Victor Calfuquir – « un vrai nom de Chilien » – ne peut s’empêcher de comparer les images de l’interpellation des lycéens de Mantes-la-Jolie (lire ici) aux exactions commises après le putsch de Pinochet. Dimanche, il arborait encore son gilet jaune.

Rares sont ceux qui espèrent voir les manifestants glisser un bulletin LFI dans l’urne. « Les gilets jaunes, c’est avant tout la preuve de l’échec des syndicats… et des partis politiques », estime Arthur. Une opinion partagée dans les cortèges. « Jean-Luc Mélenchon est le bienvenu, mais en sa qualité de citoyen », prévient Laure, l’une des administratrices de « Yellow Friday Revolution 33 », un des groupes de l’agglomération. « Notre but, ce n’est pas de récupérer, mais d’être récupérés. Et j’ai l’honneur de dire que c’est fait », a lancé Jean-Luc Mélenchon dans son discours donné en fin de journée devant les 1 500 congressistes. À l’en croire, le message est passé.

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