Benoît Hamon : « À gauche, je crois nos différences dépassables »

À l’approche de l’échéance des européennes, et face à un Emmanuel Macron qui « scénarise » son opposition aux nationalistes, Benoît Hamon propose une « votation citoyenne » afin de créer une liste de la gauche rassemblée qui soit en adéquation avec le « moment » gilets jaunes.

Michel Soudais  et  Agathe Mercante  • 13 février 2019 abonné·es
Benoît Hamon : « À gauche, je crois nos différences dépassables »
© photo : Dans les locaux de Génération·s, au 11e étage de la tour Montparnasse, le 8 février. crédit : Michel Soudais

Dans le jargon de la Macronie, on dirait qu’il essaie de « disrupter » la politique. Candidat malheureux à la présidentielle de 2017, Benoît Hamon a depuis monté son propre mouvement – Génération·s – en s’entourant de quelques anciens du Parti socialiste (Pascal Cherki, Guillaume Balas) et d’EELV (Claire Monod). Tête de liste de Génération·s pour les européennes depuis le 6 décembre, il vient de proposer aux autres partis de gauche d’organiser une « votation citoyenne » pour désigner une liste et un programme communs à toute la gauche et aux écologistes. Alliances, débats, gilets jaunes, il nous livre son analyse de la situation en France et en Europe, et ses idées pour les réformer.

« Une votation citoyenne pour l’union » La votation citoyenne imaginée par Benoît Hamon pour constituer une liste unique de la gauche et des écologistes aux européennes est, selon lui, « une innovation démocratique ». Elle repose sur le « vote préférentiel », « jamais expérimenté dans un vote national », précise-t-il. Un mode de scrutin qui, assure-t-il, « permet de choisir sans exclure ». Concrètement, le citoyen pourra « faire un tiercé » parmi les listes « soumises à son choix ». « Celle qui arrive en tête a trois points, puis deux points, puis un seul. » La somme des points obtenus permettra d’ordonnancer la liste, sa direction revenant au binôme homme-femme qui aura obtenu le plus de points. Le programme pourrait être arrêté de la même manière. Le fondateur de Génération·s, qui a adressé le 8 février par courrier sa proposition à une vingtaine de têtes de liste et de dirigeants de partis de gauche et écologistes, organisera le 23 février une réunion pour discuter des modalités concrètes avec ceux qui auront répondu oui. Le vote, suggère-t-il à ce stade, pourrait avoir lieu électroniquement sur une semaine à partir du 7 avril et physiquement le 14 avril. À trois mois et demi du scrutin, cette proposition apparaît toutefois bien tardive pour pallier la dispersion de la gauche. Proposée en outre par un candidat déclaré, ce qui n’était pas le cas des initiateurs des primaires présidentielles, elle a toutes les chances de paraître suspecte à ses concurrents. M. S.
Génération·s a mis du temps avant d’apporter son soutien au mouvement des gilets jaunes. Pourquoi ?

Benoît Hamon : Au sein de Génération·s, il y a des personnes qui y sont et d’autres qui n’y sont pas. Je ne vais pas raconter d’histoire : on a eu les deux. Ce mouvement a trouvé son rythme de croisière et son identité. Quand il a commencé à réajuster sa colère non pas contre les classes populaires, les cibles traditionnelles des libéraux, les « assistés », mais contre le haut, en disant « le problème, c’est la répartition des richesses », on l’a soutenu.

Comme il est de surcroît apparu que la question écologique, même si elle n’est pas au premier plan des revendications, n’est pas une question que rejettent les gilets jaunes, nous sommes beaucoup plus à l’aise avec ce mouvement.

Le vote de la loi anticasseurs par l’Assemblée nationale illustre-t-il une fuite en avant autoritaire d’Emmanuel Macron ?

Ce qui m’inquiète, c’est que, dans ce pays, la parole des grands défenseurs des droits de l’homme, des grands pénalistes, n’a plus aucune valeur. La Ligue des droits de l’homme, Amnesty International, Human Rights Watch… Ce que disent ces gens-là ne pèse plus. Mais tout a commencé par les migrants. Quand le droit d’asile est remis en cause, quand les conditions d’une hospitalité élémentaire ne sont plus respectées, quand on refuse l’accueil à des personnes qui sont en danger de mort, quand les ports français sont fermés à l’Aquarius… Ça commence là. Ça se prolonge par l’intégration de l’état d’urgence au droit commun, puis se poursuit par la loi anticasseurs. Si la République est véritablement menacée, il ne faudra pas être surpris quand on constatera que les classes populaires ne viennent pas à son secours.

Ceux qui parlent au nom de la République aujourd’hui construisent des lois contre les classes populaires, encore plus quand celles-ci s’expriment et se mobilisent. La perquisition de locaux de journaux – parce qu’on veut connaître leurs sources – sur instruction de Matignon au procureur, qui ordonne cette perquisition : cela va très loin dans la remise en cause des libertés fondamentales.

Emmanuel Macron est-il antidémocrate ?

C’est la tradition libérale. On l’oublie souvent, mais Benjamin Constant s’opposait aux démocrates sur la question du suffrage universel. Depuis la Révolution française, le suffrage universel a toujours été l’objet d’un débat entre les libéraux et les démocrates. Il y a ceux qui considèrent que le vote du peuple est indispensable pour donner une légitimité à la démocratie représentative, et ceux qui ont toujours défendu le suffrage censitaire. On considérait à l’époque – et on y revient d’ailleurs – que seuls ceux qui sont propriétaires, donc les bourgeois, avaient le temps disponible et n’étaient pas abrutis par le travail pour pouvoir connaître l’intérêt général. Qu’est-ce qui est en train de se passer ? Plus ça va, moins les classes populaires participent aux élections. Sans qu’on ait à organiser le suffrage censitaire, c’est-à-dire à le réserver aux catégories les plus aisées, dans les faits, la proportion de votants dans ces catégories-là est de plus en plus grande à mesure que l’abstention augmente. Avec Emmanuel Macron, on a une créature qui est assez proche de la théorie, c’est rare en politique. Une créature libérale qui se caractérise par sa méfiance à l’égard du suffrage universel, sa méfiance à l’égard du peuple, la place éminente qu’il donne au pouvoir de l’expertise, aux lobbys, au monde de la finance… Bref à ceux qui savent, à ceux qui possèdent, qui sont propriétaires. C’est fascinant et très rare. Ça explique que parfois il provoque la surprise. On se dit « il n’y va pas par quatre chemins ». Macron, c’est une créature assez pure sur le plan idéologique, au sens libéral du terme.

Le « grand débat » lancé par le gouvernement permet-il aux classes populaires de s’exprimer ?

Le grand débat existait avant que Macron ne l’invente. Parce qu’il a retroussé ses manches pendant six heures et demie, la performance physique effacerait douze semaines de mouvement social ? Le grand débat a commencé avant même les gilets jaunes, il a trouvé à s’incarner dans la visibilité nouvelle de gens qui étaient jusqu’alors invisibles. Maintenant, il se déroule selon les modalités voulues par Macron et, à mon avis, elles sont très loin de ce que sont les aspirations, les colères et les espérances de millions de nos compatriotes. Ce qui me semble très important, c’est de débusquer les autres invisibles. Ceux qui, derrière Macron, ont le pouvoir. Il y a les citoyens à qui l’on ne donnait pas la parole et qui ont été obligés de mettre un gilet jaune pour qu’on les voie ; et puis il y a ceux qui restent bien à l’abri, d’autant plus qu’on n’aborde pas la question de la répartition des richesses. Il suffit de voir les questions posées : si on veut un service public, il faudra en enlever un autre. Du troc, quoi.

C’est d’autant plus faux que le gouvernement n’a rien interrompu de sa politique durant le débat. La suppression de 120 000 postes de fonctionnaires se poursuit ; nous avons un hôpital public toujours aussi exsangue ; une école dans laquelle on continue à supprimer des postes dans le second degré ; un agenda sur l’écologie qui est une catastrophe absolue. Même Matthieu Orphelin – pourtant, il était résistant – a démissionné (1). On voit bien que rien ne change. En fait, le grand débat national, c’est « cause toujours ». Il suffit de regarder si le gouvernement a interrompu, suspendu ou ralenti en quoi que ce soit la politique de démantèlement des services publics. La réponse est non.

Le Président envisage de coupler les européennes avec un référendum. Est-ce une bonne idée ?

S’il y a un référendum le 26 mai, il n’y aura pas de débat européen. Ça veut dire que les mêmes qui disent « l’Europe c’est important » se débrouillent pour qu’on parle de tout sauf de l’Europe.

Vendredi 8 février, sur RTL et dans Le Monde, vous avez appelé la gauche à se soumettre à une votation citoyenne pour constituer une liste unique, de quoi s’agit-il ?

C’est un appel que je lance à tous les dirigeants de partis et têtes de liste, du Parti radical de gauche (PRG) à La France insoumise. Cette demande est fondée sur un diagnostic : nous allons nous faire confisquer le débat européen. D’abord parce qu’il y a le grand débat national qui se tient et qu’on comprend que pour beaucoup de citoyens le sujet est ailleurs. Ensuite, parce qu’il y a une stratégie d’Emmanuel Macron – l’épisode italien en est l’exemple – qui consiste à scénariser son opposition avec les fascistes, les nationalistes contre les pro-européens, les progressistes. Dans son esprit, ce sont les libéraux qui seraient les vrais progressistes. La vérité, c’est que tout le monde a bien conscience que l’Europe, c’est du pouvoir – et beaucoup de pouvoir – mais qu’on ne débattra pas de l’usage que l’on en fera, de qui aura ce pouvoir. On peut facilement imaginer que les quelques semaines de campagne officielle résumeront la campagne pour les élections européennes.

La question que nous posons, c’est : dès lors qu’on est attaché à la campagne européenne et qu’on pense que cette élection est importante, parce qu’elle influencera les futures politiques européennes, comment ramène-t-on les projecteurs et l’intérêt des citoyens sur la question ? La votation citoyenne que nous proposons a l’immense avantage à la fois de parler du fond, de listes, de personnes, d’arguments et d’idées. Bref, de ressusciter de l’intérêt pour la gauche et les écologistes à travers la question européenne. L’intérêt est qu’à la fin nous n’ayons qu’une seule liste. Elle aurait des chances d’être en tête devant La République en marche et devant le Rassemblement national. Ça serait quand même un petit séisme, non ?

Vous proposez une solution « clé en main » aux autres partis, ne craignez-vous pas qu’ils refusent pour cette raison ?

Nous, ce que nous mettons sur la table, c’est une solution qui marche, un calendrier. Mais est-ce que ce sera forcément ce qui sera choisi ? Pas forcément. Mais si l’on fait ce que la gauche fait depuis trois mois, c’est-à-dire que je vais voir Fabien Roussel, je vais voir Yannick Jadot, je vais voir Raphaël Glucksmann, je vais voir – si j’ai un rendez-vous – La France insoumise, je vais voir Olivier Faure… il y a de grandes chances pour que ça ne marche pas. Comme tout ce qui a été tenté jusqu’ici et qui a échoué. Maintenant, nous disons : parole aux citoyens. Les partis peuvent-ils être à l’écart du souffle démocratique qui est celui du mouvement social et citoyen qu’on connaît depuis plusieurs semaines ? La réponse est non. Cette initiative entre en résonance avec le moment dans lequel on est. Il faut nous donner une chance pour que ça fonctionne. Si ça ne marche pas, j’en serai déçu, mais moi je veux faire turbuler le système des partis et je ne me contente plus de dire « je veux l’unité ».

Vous proposez que ce vote se tienne le 14 avril, six semaines avant les élections. N’est-ce pas un peu court pour constituer une liste et arrêter son programme ?

C’est un sujet. Il n’est pas interdit qu’on le fasse un peu plus tôt. La liste sera facile à établir puisqu’elle sera constituée par le résultat de l’élection. Qui plus est, peu de questions restent à trancher. Nous voulons tous réviser les traités, peut-être les modalités diffèrent-elles, mais nous le voulons tous. Nous sommes tous favorables à ce que l’on mobilise de l’argent de la Banque centrale européenne ou de l’argent public par la fiscalité, en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique. La question de la lutte contre l’évasion fiscale et l’harmonisation fiscale, davantage de transparence, l’émergence d’un impôt européen ou d’une puissance publique européenne ne font pas beaucoup discussion non plus. Fondamentalement, ce sont les éléments de stratégie qui nous différencient. Sinon, on serait tous dans le même parti. Mais je crois ces différences parfaitement dépassables.

Un sondage commandé par Place publique en décembre donnait 14 % à une liste d’union du PS, d’EELV, du PCF, de Génération·s et de Place publique. N’est-ce pas un peu faible ?

Moi je les prends, les 14 % ! D’autant qu’il ne faut jurer de rien. La formalisation du vote aux européennes a lieu dans la dernière ligne droite. Quand EELV a fait un carton en 2009, ça s’était décidé dans la dernière semaine. Il n’y a pas de plafond à une liste unie. J’affirme qu’une liste de la gauche et des écologistes sera devant LREM et le RN. Certes, il y a plein de questions majeures à régler : dans quel groupe siège-t-on ? Quelle stratégie ensuite au Parlement européen ? Ce ne sont pas de petites choses. Mais j’affirme que, si on veut se donner les moyens de disputer à l’extrême droite et aux libéraux le leadership du débat politique – voire l’exclusivité de ce dernier –, le recours aux citoyens est la seule voie.

Pour les européennes, vous faites alliance avec Diem25 (2). La France insoumise est avec Podemos (Espagne) et le Bloco (Portugal). Comment concilier tous ces groupes ?

Quel est le constat que dressent Podemos, le Bloco, La France insoumise et Diem25 ? Que le groupe de la GUE (3) ne marche pas. Et ce constat est massivement partagé. La social-démocratie disparaît quand elle siège au Parlement. Alors que nous vivons le grand moment de l’écologie politique, les verts européens fournissent indifféremment des ministres à des gouvernements de gauche et de droite, s’alliant tantôt avec des libéraux, tantôt avec des socialistes, selon la vieille idée que l’écologie politique ne serait ni de droite ni de gauche.

C’est le point de vue de Yannick Jadot…

Exactement. Il est curieux qu’au moment où Nicolas Hulot démissionne en disant qu’il n’y a pas d’agenda écologiste possible à politique libérale et austéritaire constante, une partie de la direction d’EELV choisisse finalement de considérer que l’écologie n’est ni de droite ni de gauche. Les Verts, durant les dernières décennies, ont enraciné leurs combats dans une famille politique, celle de la gauche. Il y a quelque chose qui me paraît anachronique dans cette décision. Toutes les formations politiques que nous sommes constatons que la répartition de la gauche au niveau européen n’a plus aucun sens et produit de la stérilité. Nous, nous sommes favorables à ce qu’émerge, à l’issue des élections européennes, une nouvelle force, une nouvelle alliance politique européenne. Chez Génération·s, on ne s’interdit aucun rapprochement. J’ai discuté avec Philippe Lamberts, le président du groupe vert, j’ai été invité par la GUE à son congrès, nous sommes évidemment disponibles quand on nous dit être intéressé par ce que nous faisons… Mais il sera d’autant plus facile de faire émerger cette alliance au niveau européen si nous réussissons, en France, à faire un score important.

Si vous avez des élus, dans quel groupe du Parlement européen siégera Génération·s ?

Pas au groupe social-démocrate. Le PS français peut bien se dédouaner en disant « Frans Timmermans n’était pas notre candidat », toujours est-il qu’il est commissaire européen et a plaidé pour l’austérité. La réalité, c’est que la social-démocratie se soumet aux politiques austéritaires parce qu’elle considère que c’est une contrainte indépassable. Mon « spitzen candidat » (4), c’est Yánis Varoufákis.

Que faire si seuls quelques partis acceptent votre proposition et que les plus importants, comme La France insoumise, la refusent ?

La France insoumise s’allie plus souvent que moi avec le Parti socialiste, pour les motions de censure de l’Assemblée nationale notamment. J’observe que LFI est sur une ligne qui la conduit, alors qu’elle avait le leadership sur la gauche, à se soustraire à sa responsabilité de rassembler sa famille politique – si tant est qu’elle appartienne à cette famille politique. Il y a des gens de gauche à LFI, mais son dirigeant a une stratégie populiste qui refuse le rassemblement de la gauche ; il l’a dit textuellement. Mon but, c’est qu’ils participent à cette votation. Ma stratégie, je n’ai pas peur de le dire, c’est de rassembler la gauche et les écologistes.

Beaucoup des questions qui sont posées par les gilets jaunes sont liées à des décisions et à des règlements européens… Tout comme il y a une politique agricole commune, je suis favorable à une politique écologique commune, à un « New Deal » vert, à des politiques de création monétaire à des fins écologistes. Je suis favorable, aussi, à une révision des traités. Toutes ces questions-là irriguent très largement les débats sur les ronds-points. Aujourd’hui, il faut répondre à Macron. Rappeler notre ambassadeur parce que les Italiens se mettent à soutenir l’opposition à Macron, qui lui-même soutiendra directement l’opposition à Matteo Salvini et à Luigi Di Maio, tout ça c’est la mise en scène d’une sorte de lutte des titans entre les nationalistes d’un côté et les libéraux de l’autre. La réponse est de faire émerger un troisième acteur : la solution sociale et écologiste.

Le veto de la Commission européenne à la fusion Alstom-Siemens montre les limites de l’Union en matière de politique industrielle…

C’est une immense connerie ! Ne pas être capable de faire émerger des champions sur le plan industriel est une sottise. Cela pouvait améliorer et renforcer les politiques dans le domaine ferroviaire, c’était donc une solution compatible avec le changement de modèle de développement que nous souhaitons. Au-delà de cet épisode, je reviens sur la politique écologique commune. La question qui se pose est : de quel budget dispose-t-on pour faire émerger une puissance économique européenne ? Et si cette puissance émerge, existe-t-elle dans le domaine agricole et peut-on imaginer demain qu’on puisse avoir une politique écologique commune et donc une politique budgétaire ? Nous y sommes favorables par une fiscalité nouvelle qui irait alimenter ces ressources-là.

Comme le charbon et l’acier pour les pères fondateurs de l’Europe, nous pensons que la question climatique et énergétique est au cœur des problématiques de chacun des États membres. Un Balte, un Portugais ou un Français sont confrontés de la même manière au péril du réchauffement climatique, à l’extinction de la biodiversité, à l’évolution négative de l’environnement, à l’artificialisation des sols, etc. Nous préconisons un traité de l’énergie, que l’on appellerait « New Deal vert », c’est-à-dire la mobilisation de la création monétaire à des fins de transition écologique. Mille milliards d’euros, ça nous semble être le minimum à faire, étant donné que la Banque centrale européenne se voit rembourser, en compensation de crédits qu’elle a accordés aux banques, plusieurs dizaines de milliards d’euros par mois. Donc c’est possible ! Est-ce que les traités tels qu’ils sont aujourd’hui rendent ce projet impossible ? Absolument pas. Est-ce qu’il faut garder les traités tels qu’ils sont ? Évidemment non, puisqu’ils ne sont pas démocratiques. Mais il y a plein d’autres choses à proposer également : nous sommes favorables à un ISF européen, puisque les grandes fortunes sont mobiles. Nous souhaiterions aussi nous doter d’une police sanitaire et environnementale européenne sur le modèle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes française [DGCCRF, NDLR], parce qu’elle n’a pas d’équivalent dans les autres pays européens.

Il n’y a pas de diplomatie européenne commune, on l’a vu récemment avec le Venezuela : comment jugez-vous l’attitude d’Emmanuel Macron ?

C’est un dangereux précédent. Il est incontestable que la dernière élection de Nicolas Maduro est entachée d’irrégularités, et personne ne peut remettre cela en question. Pour autant, faut-il aujourd’hui valider ce qui s’apparente à un coup d’État, à partir de méthodes qu’on a connues dans les années 1970 où l’on changeait de régime avec le soutien immédiat des États-Unis ? L’attitude de plusieurs pays européens menés par la France n’est pas acceptable. Autant il fallait contester les conditions d’élection de Maduro et faire pression – l’Union européenne aurait pu être très utile –, autant l’attitude qui consiste à dire : le premier qui s’est autoproclamé président est le président, ça, c’est un précédent. Pour les libertés fondamentales chez nous, pour la diplomatie, ce quinquennat est lourd de menaces pour la stabilité mondiale. C’est une vraie rupture du respect de l’État de droit par la France.

(1) Matthieu Orphelin, transfuge d’EELV, ex-cadre de l’Ademe et proche de Nicolas Hulot, élu député LREM de la première circonscription de Maine-et-Loire, a annoncé le 6 février sa démission du groupe LREM.

(2) Diem25 (Democracy in Europe Movement 2025) est le mouvement lancé en 2015 par Yánis Varoufákis, l’ex-ministre des Finances grec.

(3) Le groupe GUE (Gauche unitaire européenne) du Parlement européen rassemble divers partis de gauche, dont les communistes français et Die Linke (Allemagne).

(4) Spitzen candidat : candidat à la présidence de la Commission européenne.