Nouvelle « mise à l’abri » temporaire de réfugiés à Paris

Le 31 janvier porte de la Villette, plus d’une centaine de migrants ont été « mis à l’abri » par la préfecture d’Ile-de-France. Les associations interrogent l’efficacité d’une telle évacuation, la quatrième en une semaine, ainsi que la nouvelle sémantique de l’administration.

Margot Poulain  • 1 février 2019
Partager :
Nouvelle « mise à l’abri » temporaire de réfugiés à Paris
© crédit photo : THOMAS SAMSON / AFP

Jeudi matin, 31 janvier, porte de la Villette à Paris, « 127 hommes isolés ont été pris en charge », annonce la préfecture de la région Ile-de-France. Par ailleurs, « 13 personnes vulnérables, parmi lesquels un mineur, un couple avec enfant et trois femmes seules ont été pris en charge par la Ville de Paris ». Ces réfugiés vivaient dans un campement insalubre et ont été emmenés en bus dans des gymnases ou des centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) pour être « mis à l’abri », selon l’expression employée par la préfecture. Zelda, coordinatrice à Utopia 56, collectif de soutien aux migrants, parle plutôt d’« évacuation » mais considère que l’opération « a été bien organisée et très rapide », contrairement à celle survenue porte de la Chapelle deux jours plus tôt, le 29 janvier, « la moins bien organisée du siècle », cingle-t-elle.

Des bénévoles de plusieurs associations avaient prévenu en amont les réfugiés de la Villette de ce qui les attendait. Au moment de partir, certains ont refusé de monter dans les bus. « Ils savaient qu’ils retourneraient dans la rue quelques jours après, du fait de leur situation administrative… », explique Jean-Jacques Clément, bénévole du collectif Solidarité migrants Wilson. La préfecture régionale assure de son côté que l’accueil temporaire dans des structures dédiées, comme dans les gymnases, est « inconditionnel » : si le nombre de places le permet, tout réfugié doit être accueilli, quelle que soit sa situation administrative, jusqu’à ce qu’il obtienne une place dans un CAES où sa situation médicale, sociale et administrative sera étudiée. Actuellement, cinq CAES sont ouverts en Île-de-France, ce qui correspond à 750 places.

L’opération de la porte de la Villette, la quatrième de ce type en un peu plus d’une semaine, survient dans une période de froid et d’épisodes neigeux. Elle s’inscrit également dans un contexte de forte hausse des demandes d’asile. Selon la préfecture, en 2018, celles-ci ont augmenté de 45 % en Île-de-France et, plus largement, de 22% en France. Malgré l’ouverture de 1 200 places temporaires supplémentaires dans des hébergements d’urgence en janvier 2019 en Île-de-France, les places manquent encore. Porte de la Chapelle, 200 personnes n’auraient pas pu monter dans les bus de toutes façons, faute de place à bord, raconte Zelda. Elles auraient, par conséquent, dû rester au campement.

La préfecture « maraude »

Le service de communication de la préfecture d’Ile-de-France refuse de parler d’ « évacuation », type d’opération qui « ne laisse pas le choix aux personnes de partir__ ». Il lui préfère désormais l’expression de « mise à l’abri » ou, plus récemment encore, le terme « maraude », habituellement utilisé par les associations qui sillonnent les rues pour aller à la rencontre de sans-abris, afin de renouer du lien social ou de distribuer des produits de première nécessité. Les « maraudes » se distinguent des « évacuations » car « elles mettent à l’abri des personnes volontaires de manière régulière et inconditionnelle, précise encore le service de communication de la préfecture. Quasiment chaque semaine, l’État finance des maraudes. Depuis 2015, plus de 64 000 hébergements ont été proposés aux réfugiés ».

Pour Zelda, « évacuation » reste le terme le plus adapté car la mise à l’abri « n’est que temporaire. Dans deux jours, les évacués seront peut-être de nouveau à la rue. Les évacuations se répètent et rien ne change, les campements se reforment à chaque fois ». Quelques nuits au chaud, c’est toujours ça de pris, mais quelles solutions d’hébergement ensuite quand les situations administratives restent dans l’impasse ?

Police / Justice Société
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Alix*, blessée à Sainte-Soline : « Les gendarmes ont eu la permission de tuer »
Entretien 6 novembre 2025

Alix*, blessée à Sainte-Soline : « Les gendarmes ont eu la permission de tuer »

Elle a été blessée gravement lors de la manifestation contre les mégabassines, en mars 2023 et déposé plainte. Pour Alix*, les révélations de Mediapart et Libération démontrent le caractère institutionnel de la violence au sein de la gendarmerie.
Par Pierre Jequier-Zalc
Expulsion illégale : une famille porte plainte contre le préfet des Hautes-Alpes
Enquête 5 novembre 2025 abonné·es

Expulsion illégale : une famille porte plainte contre le préfet des Hautes-Alpes

Une plainte pour « abus d’autorité » a été déposée contre le préfet des Hautes-Alpes par une famille expulsée illégalement en septembre. Celle-ci était revenue en  France traumatisée et la mère avait fait une fausse couche, attribuée au stress causé par l’expulsion.
Par Pauline Migevant
Mouvement social de 1995 : la naissance d’une nouvelle génération politique
Récit 5 novembre 2025 abonné·es

Mouvement social de 1995 : la naissance d’une nouvelle génération politique

Le grand mouvement social de 1995 a vu l’apparition d’une dizaine de futurs visages de la gauche, des figures qui, en trois décennies de vie publique française, n’ont jamais abandonné le combat. Très souvent en faveur de l’union de la gauche.
Par Lucas Sarafian
1995, l’année où le syndicalisme s’est réinventé
Syndicats 5 novembre 2025

1995, l’année où le syndicalisme s’est réinventé

Dans un contexte de fin des utopies politiques et de tournant social-libéral, le mouvement de 1995 catalyse une recomposition syndicale profonde. L’unité d’action, l’émergence de nouvelles organisations et le rôle central des assemblées générales en font le point de départ d’un renouveau syndical toujours inachevé.
Par Benoît Teste