Grand débat : Tout ça pour ça !

Tout ce que retient Macron du « grand débat », c’est qu’il faut continuer comme avant les gilets jaunes.

Michel Soudais  • 24 avril 2019 abonné·es
Grand débat : Tout ça pour ça !
© photo : Emmanuel Macron lors du lancement du grand débat, le 15 janvier.crédit : Ludovic MARIN/AFP

Emmanuel Macron a prévu de tenir sa première conférence de presse ce jeudi. Celle-ci doit ouvrir, nous dit-on, l’acte 2 de son quinquennat. Il n’y a pourtant guère de surprise à attendre de cet exercice monarchique au cours duquel le président de la République, comme il s’y est engagé, a prévu de livrer les conclusions qu’il tire du « grand débat national » voulu par lui pour répondre au mouvement des gilets jaunes. D’abord parce que la restitution qu’en a faite le Premier ministre, au début du mois, prétendait que ce que les Français avaient réclamé dans les centaines de milliers de contributions recueillies, les cahiers de doléances ouverts en mairie et les débats organisés à travers le pays, c’était que le gouvernement mette en œuvre plus vite le programme d’Emmanuel Macron et de La République en marche.

Ensuite parce que les mesures que le chef de l’État devait annoncer, le 15 avril, dans une allocution télévisée déprogrammée in extremis, découlent de cette restitution sans s’en écarter. Elles ont été éventées par plusieurs rédactions, dont RTL, l’AFP et Le Monde, en possession du texte de cette allocution mort-née, sans que l’Élysée dans un premier temps les confirme ou les démente. Abondamment commentées, elles ont même été « testées » par des instituts de sondage sans que l’on sache très bien s’il s’agissait de mesures réellement arrêtées ou de simples ballons d’essai. Jusqu’à ce que l’Élysée indique au milieu du week-end pascal que « certaines annonces ne seront pas modifiées, comme la baisse des impôts, la réindexation des petites retraites ou la suppression de l’ENA ».Le contraire eût été surprenant : selon un sondage Odoxa pour Le Figaro, la première et la seconde recueillent une très large approbation de l’opinion, respectivement 77 % et 74 % ; quant à la troisième, elle est suffisamment démagogique pour susciter une forte adhésion. Soucieux de ménager une attente avant la conférence de presse présidentielle, l’Élysée ajoutait aussi que « pour le reste, rien n’interdit de les compléter ou d’en ajouter ».

« Nous poursuivrons les réformes commencées », avait prévu de dire Emmanuel Macron une énième fois. Deux mois de débats et cinq mois de mobilisation sociale n’ont donc rien changé. Les mesures économiques envisagées (voir ici) ne traduisent aucun changement de cap, même si le Président est contraint pour cela de lâcher un peu de lest. En annonçant une baisse de l’impôt sur le revenu et un moratoire sur les hausses d’impôts, plutôt que le rétablissement de l’ISF, pourtant plébiscité dans l’opinion, le chef de l’État ne répond pas à la demande de justice fiscale des gilets jaunes, qui vise bien plus la répartition inégalitaire des impôts que leur niveau excessif. En défendant _« la nécessité de travailler davantage » pour financer cette baisse d’impôt, il ne répond pas plus à leur demande de pouvoir vivre de leur travail sans craindre les fins de mois : ils veulent que le travail paie, et l’une des solutions imaginées serait de travailler un jour de plus… gratuitement.

En réponse à la demande de développement des services publics de proximité, Macron avait prévu d’annoncer le 15 avril la fin des fermetures d’écoles ou d’hôpitaux d’ici à la fin du quinquennat, une mesure avant tout conservatoire, ainsi que l’intensification du dédoublement des classes en CP et en CE1 dans les zones d’éducation prioritaire, et des classes de 24 élèves maximum de la grande section de maternelle au CE1. Comment croire que ces mesures sonneront la fin de la dégradation des services publics quand Macron indique en même temps une réduction de la dépense publique en compensation de la baisse d’impôt annoncée ? Quand l’objectif de 120 000 suppressions de postes dans les trois fonctions publiques d’ici à 2022 est maintenu ?

En réponse à la crise démocratique, le chef de l’État n’est pas plus convaincant : il accepte de faciliter l’organisation du référendum d’initiative partagée (RIP), qui exige actuellement les signatures de 185 parlementaires et de 10 % du corps électoral ; accepte des référendums d’initiative citoyenne (RIC) mais seulement pour des sujets d’intérêts locaux, ce qui n’a plus rien à voir avec le RIC abrogatoire, législatif, révocatoire et constitutionnel réclamé par les gilets jaunes.

Le 10 décembre, dans son « adresse à la Nation » diffusée sur toutes les télés, Macron avait promis qu’à l’issue du grand débat, « nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies […] sans que rien n’ait été vraiment compris et sans que rien n’ait changé ». On en est loin.

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