Les armes à la main contre Daech

André Hébert raconte ses deux séjours au sein du bataillon international des Forces démocratiques syriennes. Intense.

Olivier Doubre  • 17 juillet 2019 abonné·es
Les armes à la main contre Daech
© photo : Des combattants des Forces démocratiques syriennes dans le sud-est de la Syrie le 19 février 2016.crédit : Delil souleiman/AFP

André Hébert est un pseudonyme, choisi en un clin d’œil appuyé au directeur du journal Le Père Duchesne, chef de file des montagnards les plus radicaux durant la Révolution française. À 24 ans, militant anticapitaliste et internationaliste, il décide de s’engager dans les rangs du Bataillon international de libération des Unités de défense du peuple (YPG en kurde), principale composante des Forces démocratiques syriennes (FDS), qui combattent surtout Daech.

S’inspirant des Brigades internationales contre les forces franquistes et leurs alliés fascistes et nazis, le bataillon compte quelque 700 combattants étrangers. Comme eux, André Hébert rejoint le Rojava, où les Kurdes construisent aussi une « révolution » qui se veut « socialiste, anti-impérialiste et féministe ». Après quelques semaines d’instruction militaire, puisqu’il n’a jamais touché une arme auparavant et provient d’un milieu parisien plutôt privilégié, il est en uniforme, kalachnikov en bandoulière, parfois un bazooka, des grenades… Il combat ainsi, « au front », de juillet 2015 à avril 2016 et, après un bref séjour en prison en Irak (où, comme il arrive de Syrie, on le soupçonne d’abord d’avoir combattu pour Daech) puis un an à Paris (et quelques interrogatoires par la DGSI), y retourne de juin à décembre 2017 pour participer à la « libération » de Raqqa, ville qui fut la « capitale » de Daech.

Le récit est à la fois intense et précis. L’auteur ne rechigne pas à critiquer les failles du camp dans lequel il s’est engagé, mais il salue aussi un certain « humanisme » : en dépit de la mort infligée aux ennemis et des nombreux compagnons tombés à leurs côtés, les YPG choisissent d’abord d’éviter de tuer leurs prisonniers.

Si « l’ennemi » est implacable, laissant de nombreux pièges après avoir quitté ses cachettes, il est surtout, pour André Hébert, « un des avatars du néofascisme au XXIe siècle » : « Il fallait le détruire à ce titre et parce qu’il représentait une menace pesant sur le Rojava et sa révolution. » Mais, précise-t-il, « la barbarie de Daech ne doit pas faire oublier que Bachar Al-Assad a bien plus de victimes sur la conscience que ce groupe terroriste, et que l’armée turque commet quotidiennement des exactions contre les civils ».

Relatant les massacres commis par Daech, notamment « le génocide » des Yézidis, dont certains seront sauvés par les FDS, André Hébert documente aussi l’institution du « confédéralisme démocratique » et des « communes » élues, avec une vraie égalité entre les femmes et les hommes. Sans tomber dans une naïveté révolutionnaire, il loue d’abord l’expérience de création d’une société autonome, collective et de « démocratie directe » qui, malgré certains défauts, peut quand même constituer un certain espoir d’alternative au capitalisme mondialisé. Un témoignage intéressant.

Jusqu’à Raqqa. Avec les Kurdes contre Daech André Hébert, préface de Pauline Maucort, Les Belles Lettres, 256 pages, 21 euros.

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