Incinérateur d’Ivry : on jette tout et on recommence !

La fronde menée depuis dix ans contre l’incinérateur d’Ivry prend de l’ampleur avec l’émergence d’alternatives crédibles.

Vanina Delmas  • 22 janvier 2020 abonné·es
Incinérateur d’Ivry : on jette tout et on recommence !
© Roger Rozencwajg/Photononstop/AFP

Depuis 1969, les cheminées de l’incinérateur d’Ivry surplombent le Sud-Est parisien et la fumée se dissémine au gré des vents. Cet équipement brûle les déchets de quinze communes – dont Paris –, soit l’équivalent de 730 000 tonnes d’ordures par an. Et, depuis plus de dix ans, des habitants du quartier, aujourd’hui regroupés dans le Collectif 3R (pour « réduire, réutiliser, recycler »), s’opposent à un double projet porté par le Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères (Syctom) : d’abord la reconstruction de l’usine d’incinération (qui a déjà démarré) puis une unité de tri mécano-biologique (TMB) pour extraire les bio-déchets, dont le vote est prévu pour 2023.

Si le second projet apparaît comme plus « vert », la technique choisie est vivement contestée car le compost final ne serait pas assez propre pour retourner à la terre. « J’ai été sensibilisée par le fait que c’était mon quartier et pour des raisons écologiques, raconte Anne Connan, coprésidente du collectif, qui vit à 500 mètres de l’usine. Je me suis véritablement formée pendant le débat public en 2009. La politique des déchets est vraiment passionnante car au cœur du problème du plastique, des ressources de la planète, de l’alimentation, de la consommation, des pollutions… »

Pour peser face au puissant Syctom, le Collectif 3R multiplie ses axes d’action : du plaidoyer, une pétition en ligne, trois recours ont été déposés – un contre le marché public et deux visant le permis de construire ainsi que l’autorisation d’exploiter délivrés par la préfecture du Val-de-Marne pour la première phase du projet. Certains membres du collectif sont devenus des experts, suivent de près les évolutions techniques, les nouvelles lois nationales ou européennes mais aussi les réunions du comité syndical du Syctom, les plans régionaux de réduction des déchets… « Il faut aussi changer notre manière de considérer les déchets : ce n’est plus un droit, mais un service rendu par la collectivité au même titre que l’eau, le gaz ou l’électricité, donc il serait pertinent de mettre en place une tarification incitative. » Selon leurs estimations, celle-ci permettrait « systématiquement une diminution de 30 à 50 % des ordures ménagères résiduelles ».

En collaboration avec l’association Zero Waste France, ils ont élaboré une alternative, le plan B’om (pour baisse des ordures ménagères), composé de mesures concrètes fondées sur la prévention, la collecte des biodéchets généralisée, l’amélioration du tri à la source… avec un programme sur huit ans. « Notre projet alternatif est reconnu par la commission de l’enquête publique, par le Syctom, mais bute sur un manque de volonté politique et un manque d’argent, indique Anne Connan. Les 2 milliards d’euros consacrés à ce futur incinérateur pourraient permettre une autre politique des déchets plus écologique et de proximité. » À l’aube des élections municipales, ils n’hésitent pas à aller discuter avec les candidats et à guetter les réactions politiques, car le Syctom réunit 85 communes franciliennes, et de nouvelles majorités municipales pourraient inverser la vapeur.

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