« On veut toujours aller plus loin, mais on n’a pas les moyens »

Série #lesdéconfinés sur Politis.fr. Le monde est en pause, mais eux continuent de s’activer. En ces temps d’épidémie, découvrez ceux qui ne sont pas confinés. Aujourd’hui Jennifer, 27 ans, infirmière dans une clinique en Paca.

Hugo Boursier  • 21 mars 2020
Partager :
« On veut toujours aller plus loin, mais on n’a pas les moyens »
© Photo d'illustration : BURGER / Phanie/AFP

Je travaille dans une clinique en Provence Alpes Côte d’azur. C’est une petite structure qui va certainement être réquisitionnée pour recevoir soit des patients contaminés mais stables, soit des pathologies diverses à prendre en charge pour libérer les places dans les grands hôpitaux.

Depuis plusieurs jours, on renvoie tous nos patients chez eux ou dans les centres de rééducation pour pouvoir libérer la place et être prêts à être réquisitionnés. Comme nous sommes dans le privé, on est les derniers touchés pour venir en renfort. Cette situation, je ne la trouve pas vraiment logique. Privé ou public, on devrait tous être au même stade et récupérer des patients pour soulager les autres établissements qui croulent de travail…

#Lesdéconfinés, une série de témoignages sur le travail et les nouvelles solidarités pendant le confinement Nous cherchons des témoignages de personnes qui ne vivent pas leur confinement comme tout le monde. Si vous êtes obligés de sortir pour travailler ou si vous devez sortir pour créer de nouvelles solidarités (association, voisinage), racontez-nous votre expérience et envoyez-nous un mail.
Car on n’est pas débordés ici, on n’a pas de cas avérés dans notre établissement, mais nous n’avons pas les moyens minimums pour se protéger. Pénurie de masques : on nous en donne deux par personne alors qu’il faut le changer toutes les 3 heures. On n’est pas dépistés, rien. On peut être porteurs sains, on l’ignore. On essaie de maintenir au maximum les règles d’hygiène mais encore une fois, c’est compliqué. On ne peut même pas aider les patients qui nous demandent des masques parce qu’on n’en a pas pour nous.

Là, je viens de donner mon dernier masque de la journée à un patient âgé. Pour qu’il soit rassuré et puisse rentrer chez lui avec les bonnes conditions. Il en avait les larmes aux yeux. À la fois paniqué par la situation et rassuré d’avoir UN masque. Ce n’est pas possible de ne pas pouvoir protéger nos patients et nos personnels soignants.

Je n’ai pas vraiment d’avis à proprement parlé sur le virus, car je n’ai pas été confrontée à toutes les difficultés comme dans les autres hôpitaux. Mais juste en voyant ma « petite » clinique, j’ai peur pour eux. Car j’ai du mal à comprendre certaines choses. On n’a clairement pas les moyens, au niveau effectifs, au niveau matériel… Ce qu’il y a de bien dans cette profession, c’est qu’on se soutient mutuellement. Chaque collègue de travail se surveille. Se prive, ou se « sacrifie ». C’est dur d’en arriver là mais ce domaine, on ne le choisit pas comme ça. Par envie, par vocation, par amour. Et c’est ça qui nous maintient malgré les difficultés. J’espère vraiment que l’aide va arriver. Du gouvernement. Des pharmacies. Et surtout de la population. On insiste : rester chez soi, c’est sauver tout le monde. Les patients ET le personnel soignant, tout comme les autres personnes qui travaillent encore.

La situation sera examinée chaque jour par l’administration pour faire le point et connaître l’avenir du service de chirurgie de la clinique. Donc pour les quinze prochains jours, on doit rester disponible en cas de réquisition.

On a clairement dit que si notre service et le personnel étaient réquisitionnés, c’était avec les moyens pour. Sinon on ne venait pas. Je veux soigner. Je veux aider. Mais faut d’abord se protéger soi-même sinon, ça ne sert à rien. Et c’est une position, une situation extrêmement dure. Parce qu’on veut faire. On veut toujours aller plus loin, mais on n’a pas les moyens. On ne les a jamais… Et là, on regarde le spectacle se dérouler avec souffrance.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

À la frontière franco-britannique, la parade de l’extrême droite, entre associations inquiètes et forces de l’ordre passives
Reportage 6 décembre 2025 abonné·es

À la frontière franco-britannique, la parade de l’extrême droite, entre associations inquiètes et forces de l’ordre passives

Sur la plage de Gravelines, lieu de départ de small boats vers l’Angleterre, des militants d’extrême droite britannique se sont ajoutés vendredi 5 décembre matin aux forces de l’ordre et observateurs associatifs. Une action de propagande dans un contexte d’intimidations de l’extrême droite. Reportage.
Par Pauline Migevant et Maxime Sirvins
« J’estime être victime de harcèlement » : Sand, réprimée pour rappeler la loi à un député ex-RN
Récit 5 décembre 2025

« J’estime être victime de harcèlement » : Sand, réprimée pour rappeler la loi à un député ex-RN

À chaque événement public où se trouve Daniel Grenon, la militante d’Extinction Rebellion brandit une pancarte rappelant que « le racisme est un délit ». Un acte pour lequel elle a été convoquée plusieurs fois au commissariat et reçu un avertissement pénal probatoire.
Par Pauline Migevant
Comment le RN a monté en épingle l’enfarinement de Bardella pour s’attaquer aux syndicats
Analyse 5 décembre 2025 abonné·es

Comment le RN a monté en épingle l’enfarinement de Bardella pour s’attaquer aux syndicats

Après avoir qualifié son enfarinement de « non-événement », Jordan Bardella et des députés du Rassemblement national ont été jusqu’à interpeller le ministre de l’Éducation nationale pour infamer les « syndicats d’extrême gauche » qui encourageraient « la violence politique ».
Par Pauline Migevant
À Rennes, l’errance des mineurs isolés, abandonnés par l’État
Reportage 5 décembre 2025 abonné·es

À Rennes, l’errance des mineurs isolés, abandonnés par l’État

Plus de 3 200 jeunes étrangers attendent en France qu’un juge reconnaisse leur minorité. Pendant des mois, ces adolescents vivent à la rue, sans école ni protection. À Rennes, des bénévoles tentent de combler les failles d’un système qui bafoue les droits fondamentaux de l’enfant.
Par Itzel Marie Diaz