« On passe beaucoup de temps à rassurer nos patients »

Aujourd’hui dans #LesDéconfinés, Hélène, infirmière libérale autour de l’étang de Berre (Bouches-du-Rhône), raconte comment le Covid-19 est une angoisse dans son quotidien.

Hugo Boursier  • 4 avril 2020
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« On passe beaucoup de temps à rassurer nos patients »
© PHOTO : BELGA PHOTO / ERIC LALMAND / AFP

Les blocs opératoires ayant été fermés, nous ne nous occupons que de nos patients dits « chroniques », c’est-à-dire ceux que l’on accompagne toute l’année. Parmi eux, des personnes de tous âges, de tous niveaux de vie, des personnes qui ont besoin d’aide chaque jour pour leurs soins d’hygiène. Notre manière de travailler a aussi évolué puisque, avant la crise, nous pouvions rendre visite une deuxième fois, le soir, à certains patients pou{: name= »GoBack » target= »blank » }r s’assurer de leur moral, par exemple. Aujourd’hui, on ne passe chez eux que le matin pour limiter les contacts au maximum. Ou bien, on leur téléphone.

#Lesdéconfinés, une série de témoignages sur le travail et les nouvelles solidarités pendant le confinement. Nous cherchons des témoignages de personnes qui ne vivent pas leur confinement comme tout le monde. Si vous êtes obligés de sortir pour travailler ou si vous devez sortir pour créer de nouvelles solidarités (association, voisinage), racontez-nous votre expérience et envoyez-nous un mail.

De fait, ils sont très vulnérables. La plupart sont âgés et avec des fragilités. C’est pour cela qu’on leur a demandé de ne plus sortir, et à leur famille de ne plus venir les voir, ou le moins possible, pour leur apporter les courses si ce sont eux qui s’en occupent habituellement. Cet « enfermement » les rend très inquiets. Pour beaucoup, c’est vraiment la psychose.

Le fils d’une patiente m’a confié qu’il avait un peu toussé. Ses sœurs lui ont dit qu’il avait le coronavirus et qu’il fallait tout de suite l’éloigner de son parent malade. Pourtant, il n’avait aucun symptôme ! Cette semaine, une dame m’a dit que sa fille était aussi infectée. Elle était persuadée qu’elle allait mourir dans les prochains jours. Il a fallu que je lui explique que, comme pour n’importe quelle pathologie, être malade ne signifie pas que l’on va forcément mourir. Pour le Covid-19, il y a aussi des personnes qui guérissent. Il ne faut pas les oublier.

On passe donc beaucoup de temps à essayer de rassurer nos patients et leur entourage. Mais ce n’est pas une raison pour dédramatiser à outrance. Surtout vis-à-vis des personnes âgées, pour qui c’est souvent tout blanc ou tout noir. Leur dire que le coronavirus n’est pas dangereux reviendrait à leur indiquer qu’ils peuvent vivre comme si de rien n’était. Mais on ne peut pas non plus leur présenter un tableau catastrophique, sinon ils se verraient tous morts !

Déjà qu’ils nous voient entrer chez eux avec un masque… Moi, j’ai la chance d’avoir plusieurs FFP3 que mon conjoint a récupérés dans l’usine où il travaille. Aujourd’hui, on a eu le droit à des dotations gérées par les pharmacies de ville. Le problème, c’est de trouver laquelle en a ! Du coup, la première collègue qui arrive à trouver prend la dotation des autres. Ces gestes de solidarité, on les voit se multiplier à l’extérieur aussi. Par exemple, notre voisin sait que mon mari et moi travaillons, donc il nous ramène des courses quand il en fait pour lui.

Pour la suite, j’aimerais qu’on nous donne VRAIMENT les moyens de travailler en sécurité : la semaine dernière, une collègue a récupéré sa dotation de masques, ils étaient périmés depuis 2003 ! C’est se moquer de nous ! Le masque de M. Macron serait bien plus utile sur notre nez que sur le sien. J’aimerais aussi que les gens n’oublient pas qu’on ne peut pas tout maîtriser, qu’il faut s’entraider, et qu’ils cessent de dénigrer certains métiers comme les caissiers, les éboueurs, les policiers : quand ils ne sont pas là, on n’avance pas ! Et pour le gouvernement, j’espère qu’il comprendra que les revendications répétées pendant des mois pendant les manifestations des personnels soignants n’étaient pas incongrues ou inutiles. Elles étaient nécessaires.

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