Portugal : la télé-école pour contourner la fracture numérique

Si en France, les élèves reprendront le chemin de l’école à partir du 11 mai, au Portugal ils resteront confinés à la maison jusqu’à la rentrée de septembre. Et pour ne pas pénaliser les élèves qui n’ont pas d’ordinateur, ni Internet, le Portugal a lancé le 20 avril la télé-école #estudoEmCasa inspirée d’un programme télé des années 65, Telescola. Explications.

Céline Husétowski  • 21 avril 2020
Partager :
Portugal : la télé-école pour contourner la fracture numérique
© Crédit photo RTP

Avec les écoles fermées depuis le 16 mars, les écoliers portugais sont confrontés au même problème que certains élèves Français : Comment étudier à distance sans ordinateur ou sans Internet ?

45% des élèves n’ont pas suivi l’enseignement à distance

Selon le centre d’études et de sondages d’opinion (CESOP) de l’université catholique portugaise qui a lancé une étude sur l’enseignement à distance, 45% des élèves du 1er cycle n’avaient suivi aucun cours en ligne au cours des deux dernières semaines de confinement.En maternelle, le pourcentage atteindrait 72%. Les raisons : l’accès entre autres aux outils numériques. Si 97% des étudiants portugais dans le supérieur possèdent un ordinateur, seul 34% des élèves du primaire en ont un. Quant au téléphone mobile, la proportion tombe à 19%, selon l’étude.

En tout, 50 000 élèves portugais ne pourraient pas suivre l’école en ligne, selon la base des données de l’Institut national de la statistique

Et pour les familles qui disposent d’un équipement numérique se pose le même problème qu’en France : Comment faire si plusieurs enfants ont besoin de l’ordinateur en même temps ou si les parents doivent s’en servir pour le télétravail ?

Certaines municipalités on tenté d’inverser la courbe de la fracture numérique. Par exemple, la ville d’Oeiras (située à l’ouest de l’agglomération de Lisbonne) a distribué plus de 3 500 équipements technologiques (ordinateurs et Smartphone) aux étudiants et aux enseignants. Mais sur le plan local ce n’est pas suffisant, à Lisbonne par exemple plus d’1 élève sur 4 n’aurait pas accès à Internet à la maison.

L’école à la télé, un modèle qui a déjà fait ses preuves

Sur les ondes de la chaîne de radio et télévision RTP, le ministre de l’Education Tiago Brandão a déclaré : « Les moyens les plus technologiques n’ont pas permis de toucher tous les élèves, alors on essaiera les moyens plus traditionnels. »

Si actuellement les outils informatiques ne sont pas accessibles à tous les portugais, « 83% des ménages au Portugal ont en revanche la télévision par câble » , selon les déclarations du ministre de l’Économie et de la Transition numérique, Pedro Siza Vieira

De quoi relancer l’idée d’utiliser la télévision comme moyen de faire classe. Et c’est déjà une idée qui a fait ses preuves au Portugal. Entre 1965 et 2000, le programme Telescola diffusé tous les jours de 14h à 19H sur RTP avait permis la scolarisation des étudiants en 5e et 6e année (2e cycle) dans les zones les plus reculées du Portugal. Comment ça marchait ? Dans chaque salle, deux professeurs en sciences et en lettres, donnaient des cours via la télévision. Ces enseignements étaient complétés ensuite par un réseau éducatif.

Et ce moyen de pédagogie a toutes les raisons de séduire en 2020. « Les élèves d’aujourd’hui sont très différents et préfèrent regarder des vidéos au lieu de s’asseoir dans une pièce en écoutant l’enseignant », confirme Manuel Pinheiro, l’ancien directeur national du programme Telescola.

#estudoEmCasa : un enseignement par bloc de matière

Lundi 20 avril, plus de 850 000 élèves âgés de 6 à 15 ans ont repris le chemin de l’école depuis leur salon. Avec l’émission baptisée #estudoEmCasa (j’étudie à la maison) des cours de 30 minutes sont diffusés du lundi au vendredi de 9h à 18H sur la chaîne gratuite RTP Memória en live et en replay.

Les contenus sont adaptés à chaque tranche d’âge et proposés par niveau d’étude et par matière (mathématique, littérature, cours de portugais ou d’anglais).

En tout, le projet implique 112 enseignants d’écoles publiques, privées et écoles en ligne, et est le fruit d’un partenariat entre la RTP, la Fondation Gulbenkian et le ministère de l’Education.

« Plus que des cours, ce sont des blocs pédagogiques qui sont proposés », a expliqué le ministre de l’Education, Tiago Brandão. Le reste de l’éducation restera placée sous la responsabilité des enseignants », a insisté le Premier ministre, António Costa.

Le ministre de l’Éducation a annoncé qu’à la rentrée prochaine, « tous les élèves de l’enseignement obligatoire auront accès à des ordinateurs ».

A ce jour, le Portugal reste l’un des pays les moins touchés en Europe par le COVID19 avec 735 morts pour 20 863 cas confirmés.

*Enquête réalisée par Cesop-Universidade Católica Portuguesa pour le RTP, PÚBLICO et les partenaires et sponsors universitaires, entre le 6 et le 9 avril 2020. Les personnes interrogées ont été sélectionnés au hasard à partir d’une liste de numéros de téléphones fixes et mobiles. Tous les entretiens ont été menées par téléphone. 1700 personnes ont participé à l’étude.

Lire aussi : Continuité pédagogique : derrière les écrans, les inégalités

Doter les élèves des outils informatiques nécessaires !

Monde
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…