Protection des avocats : le Conseil d’État ouvre des brèches

Le Conseil d’État ne change pas de cap : il rejette la requête des avocats demandant l’obligation pour le gouvernement de les fournir en masques. Mais la subtilité de la décision ouvre des brèches.

Nadia Sweeny  • 21 avril 2020
Partager :
Protection des avocats : le Conseil d’État ouvre des brèches
© Photo : Ludovic MARIN / AFP

Par l’intermédiaire des barreaux de Paris et de Marseille, les robes noires avaient saisi le 8 avril le Conseil d’État afin qu’il oblige le gouvernement à « fournir des masques de protection, gants, blouses de protection et gels hydroalcooliques aux avocats », mettant en avant leur rôle essentiel dans le bon fonctionnement du service public de la justice, notamment dans le cadre du maintien des procédures d’urgence où la présence d’un avocat est obligatoire.

Dans sa décision rendue lundi 20 avril en fin de journée et après un délai particulièrement long pour une procédure d’urgence – limitée normalement à 48 heures – le Conseil d’État, conforme à sa position actuelle, rejette la requête mais donne des instructions au gouvernement et ouvre des brèches.

Lire > Le Conseil d’État, ou l’abandon des contre-pouvoirs

Reconnaissances

Les premières découlent de la reconnaissance de l’avocat comme auxiliaire du service public de la justice. Le Conseil, même s’il refuse d’obliger le gouvernement à fournir des masques, reconnaît que l’État se doit «d’aider les avocats qui, en leur qualité d’auxiliaires de justice, concourent au service public de la justice, à s’en procurer lorsqu’ils n’en disposent pas par eux-mêmes, le cas échéant en facilitant l’accès des barreaux et des institutions représentatives de la profession aux circuits d’approvisionnement ». Une victoire dans la défaite.

« En tant que bâtonnier, j’ai désormais la légitimité d’acheter et de fournir des masques aux avocats. Certes, c’est le barreau qui va les payer, mais ce n’est déjà pas si mal, lance Olivier Cousi, bâtonnier de Paris, satisfait de la décision du Conseil. Ça peut paraître étrange, mais je suis très content car cette décision exprime bien que la justice ne peut fonctionner sans l’avocat. Pour nous, c’est une avancée majeure ! » Les avocats plaident depuis plusieurs années pour cette reconnaissance. Une demande exacerbée, avant la crise sanitaire, par la mobilisation contre la réforme des retraites. Cette reconnaissance pourrait, par ailleurs, servir lors de débats futurs autour de la question de l’aide juridictionnelle.

Mais la décision du Conseil contient aussi une autre subtilité : celle de reconnaître très clairement et à plusieurs reprises la pénurie « persistante » des masques de protection. « Il ne dit pas que c’est la faute du gouvernement, soulève Olivier Cousi. Mais il acte la pénurie de manière très claire et ça peut être utile pour de futures démarches sur la responsabilité au fond ».


À télécharger > L’intégralité de l’ordonnance du Conseil d’État

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Six personnes racontent leur passage à l’IGPN
Témoignages 19 novembre 2025

Six personnes racontent leur passage à l’IGPN

Culpabilisation, intimidation, écoute attentive ou coup de pression : les récits des personnes ayant été confrontées à des violences policières décrivent de nombreux dysfonctionnements au sein d’une IGPN peu encline à la remise en question.
Par Maxime Sirvins
IGPN : la grande faillite du contrôle des policiers 
Violences policières 18 novembre 2025 abonné·es

IGPN : la grande faillite du contrôle des policiers 

Un rapport explosif de l’ONG Flagrant déni, publié ce mardi 18 novembre, met en lumière l’effondrement de la police des polices. Chiffres inédits à l’appui, le document démontre que le taux d’élucidation des violences policières a chuté de 25 % en huit ans alors que le nombre d’affaires est en augmentation.
Par Maxime Sirvins
Devant une usine de pesticides BASF, paysans, malades et médecins dénoncent « une guerre chimique »
Reportage 17 novembre 2025 abonné·es

Devant une usine de pesticides BASF, paysans, malades et médecins dénoncent « une guerre chimique »

À Saint-Aubin-lès-Elbeuf en Seine-Maritime, une action d’infiltration a été menée ce 17 novembre dans une unité du géant industriel allemand, pour dénoncer la fabrication de produits interdits en Europe, tel le fipronil.
Par Maxime Sirvins
13-Novembre : « On a focalisé le procès sur la question de la religion »
Entretien 13 novembre 2025 abonné·es

13-Novembre : « On a focalisé le procès sur la question de la religion »

Les audiences avaient duré dix mois et réuni une centaine de parties civiles. En septembre 2021, vingt accusés comparaissaient devant la cour d’assises spéciale de Paris dans le procès des attentats du 13 novembre 2015. Maître de conférences en science politique, Antoine Mégie a mené, avec trois coautrices, une enquête au long cours sur le procès.
Par Olivier Doubre