« Le Feu sacré », d’Éric Guéret : Le fer quand il est chaud

Avec Le Feu sacré, Éric Guéret revient sur le combat de l’aciérie Ascoval pour sa survie. Un documentaire poignant et monumental.

Jean-Claude Renard  • 21 octobre 2020 abonné·es
« Le Feu sacré », d’Éric Guéret : Le fer quand il est chaud
© Éric Guéret

Ç a fait un choc. » Et « c’est la fin de pas mal de choses ». Avec l’esprit « de honte » qui domine quand on a charge de famille. Dans un Nord désindustrialisé, à Saint-Saulve, près de Valenciennes, l’aciérie Ascoval risque la fermeture. Employant pas loin de trois cents personnes, l’entreprise a une année devant elle pour trouver un repreneur. Le dénouement ira au-delà des dix-huit mois. Ascoval, c’est l’histoire d’une usine neuve, rentable, qui fonctionne parfaitement, capable de convertir son activité vers le développement durable, et qui se voit broyée par la mondialisation, le jeu des marchés.

Pour son premier film en salle, le documentariste Éric Guéret (La Mort est dans le pré ; Homos, la haine ; Sécurité nucléaire : le grand mensonge ; Enfance abusée), réalisateur chevronné, cadre une tension, la menace psychologique, les impacts familiaux, la trame des négociations sur le temps de travail, le bal des faux-culs entre repreneurs maîtres-chanteurs, les collusions. Si le cas Ascoval interroge les politiques, le gouvernement et Bruno Le Maire en premier lieu, en pleine duplicité (entre le personnel de l’entreprise, la direction et les potentiels repreneurs), on retient ces mots de Xavier -Bertrand (président de région) : _« Quand le cynisme commence à bouffer la conscience des responsables, faut pas s’étonner qu’un jour tout finisse mal. Les explosions de colère nous guettent tous les matins. » Du cynisme au scandale d’État, il n’y a pas lerche.

Sinon par des bancs-titres indiquant le compte à rebours, Éric Guéret n’ajoute aucun commentaire à ce documentaire. Il ne tient pas son spectateur par la main, le laissant libre de suivre ses protagonistes dans leur combat, leurs espoirs et désespoirs, dès janvier 2018 et pendant dix-huit mois. De fait, il prend le temps de filmer les ouvriers à la tâche (c’est aussi la marque de fabrique de ce réalisateur, qui n’entend jamais faire un long ou moyen métrage sans passer au moins une année au cœur de son sujet).

Dans le décor époustouflant et monumental des flammes et de l’acier, l’incandescence des cuves, Éric Guéret fixe des ouvriers au turbin, fiers d’exercer un métier noble, domptant l’acier, avec un produit fini, des valeurs ajoutées, leur inquiétude, celle encore d’une secrétaire au service des achats. Il cadre des visages de près, des intérieurs, des extérieurs gigantesques. Un moral en berne mais une ténacité exemplaire. Une solidarité qui fait force. Victorieuse.

Le Feu sacré, Éric Guéret, 1 h 34.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes