Le virage ultra-laïciste de Macron

En 2017, Emmanuel Macron prônait une laïcité ouverte et de dialogue. Désormais, il s’aligne sur les belliqueux qu’il dénonçait.

Michel Soudais  • 28 octobre 2020 abonné·es
Le virage ultra-laïciste de Macron
© Arthur Nicholas Orchard / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

À mesure que l’on se rapproche de 2022, la campagne présidentielle de 2017 n’est plus qu’un lointain souvenir. Emmanuel Macron prônait alors une laïcité ouverte et de dialogue. « Oublier ce qui nous constitue, renier nos principes, nous affoler comme des papillons dans la lumière noire du terrorisme, ce n’est pas la France », écrivait-il en 2016 dans son livre-programme, Révolution. Depuis l’effroyable décapitation de l’enseignant Samuel Paty par un terroriste islamiste, le 16 octobre à Conflans-Sainte-Honorine, les papillons affolés sont légion. Dans les ministères, les enceintes parlementaires mais aussi à l’Élysée.

Et cet affolement joint à la pression des chaînes d’info hystérisées est propice à toutes les confusions. Les uns et les autres proclament la « laïcité en danger » quand ce que cet attentat remet en cause est plus simplement la liberté d’enseignement et la liberté d’expression. La rhétorique funeste d’un « ennemi de l’intérieur » fait son grand retour…

Il y a un an encore, au micro de RTL, Macron assurait que « le communautarisme, ça n’est pas le terrorisme ». Aujourd’hui, à en croire des propos rapportés par Le Figaro (19 octobre), il estimerait que « le séparatisme est bel et bien un terreau du terrorisme », justifiant ainsi un durcissement de son projet de loi anti-séparatisme. Qu’il ait pour objectif de « renforcer la laïcité » et de « conforter les principes républicains », suivant les termes de son nouvel intitulé, ce texte n’en reste pas moins une « loi de lutte contre le séparatisme religieux », suspectant au premier chef les musulmans. En Conseil de défense, le chef de l’État a demandé au garde des Sceaux de plancher sur un nouveau « délit de séparatisme » pour incriminer les comportements incitant à la violence contre une personne parce qu’elle a exprimé son soutien aux valeurs de la République.

« Si les laïcistes gagnent en mai 2017, expliquait tranquillement Emmanuel Macron à Mediapart en novembre 2016, j’aurai perdu une bataille. » Elle a été gagnée. Pour un temps. Mais par opportunisme électoral ou par connivence coupable, le chef de l’État les a laissés reprendre pied jusqu’aux plus hautes sphères gouvernementales.

En meeting à Lyon, le 4 février 2017, le candidat Macron refusait qu’une femme ne puisse pas « travailler avec le voile » quand elle n’exerce « pas dans un service public, où la neutralité est requise ». « Ce ne sont pas les règles de la République. Et accepter qu’elle perde un peu de cette liberté, c’est accepter que nous perdions de la nôtre », soutenait-il. Élu, il n’a rien trouvé à redire à son ministre de l’Éducation nationale quand Jean-Michel Blanquer a professé l’an dernier, à plusieurs reprises, que « le voile n’est pas souhaitable dans notre société » car « ce qu’il dit n’est pas conforme à nos valeurs ».

Ceux qu’il faut battre désormais, ce ne sont plus les « laïcistes », mais les tenants de la laïcité sans adjectif, celle qui est un principe d’organisation politique et non une valeur déifiée fût-elle qualifiée de républicaine. Aiguillonnés par les premiers, les figures de la macronie ont engagé la chasse aux sorcières, avec l’approbation implicite de l’Élysée.

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