Quelle santé pour les enfants nés en 2020 ?

Selon un rapport récent, entre canicules, incendies et maladies infectieuses, le changement climatique risque d’annihiler bon nombre de progrès sanitaires réalisés ces dernières décennies.

Emmanuel Drouet  • 13 janvier 2021
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Quelle santé pour les enfants nés en 2020 ?
En août 2019, la fumée des feux de forêt recouvrait la ville de Pontianak, en Indonésie.
© Louis Anderson / AFP

Le changement climatique affecte déjà notre santé et frappe particulièrement les enfants et les personnes âgées (1). Malnutrition, maladies infectieuses, pollution de l’air, événements météorologiques extrêmes… Voici ce qui attend un enfant né en 2020, selon le rapport du Lancet Countdown (2) publié mi-novembre 2019, qui prévient que la santé de cet enfant est « menacée à toutes les étapes de sa vie », dans un monde plus chaud de 4 à 7 °C en moyenne avant qu’il atteigne l’âge de 71 ans. Au rythme actuel des émissions de gaz à effet de serre (GES), tous les progrès réalisés sur le bien-être et l’espérance de vie au cours des cinquante dernières années pourraient en effet être anéantis d’ici à 2050.

L’impact le plus immédiat et le plus direct provient de l’augmentation de la température moyenne mondiale. Une chaleur intense n’affecte pas seulement notre psychisme et nos mouvements : elle est susceptible d’endommager la fonction rénale et d’aggraver l’insuffisance cardiaque congestive. Les trois quarts de la population mondiale ont connu une augmentation des incendies ces dernières années, en particulier en Chine et en Inde, où plus de 38 millions de personnes en ont ressenti les effets entre 2015 et 2018. La fumée des incendies de forêt, qui peut s’étendre sur des centaines de kilomètres, accentue l’asthme, les allergies et d’autres maladies chroniques.

Dans les zones inondées, dévastées par les tempêtes et les crues, la prolifération des moustiques favorise la transmission d’un nombre grandissant de pathologies telles que le paludisme, la maladie de Lyme et, surtout, une fièvre hémorragique préoccupante : la dengue. Les températures élevées sont parfaites pour la transmission de zoonoses et la prolifération de bactéries du genre Vibrio (provoquant le choléra), en particulier le long des côtes. La nourriture perd ses valeurs nutritives et devient plus difficile d’accès au fur et à mesure du changement climatique, les récoltes étant endommagées par des cycles de sécheresse et d’inondations. En outre, ces transformations engendrent des phénomènes de migration, augmentent le risque de pauvreté et de conflits et altèrent la santé mentale, parfois jusqu’au suicide.

Si rien n’est fait pour limiter les émissions mondiales de gaz à effet de serre, les enfants nés aujourd’hui connaîtront un monde plus chaud, un monde qu’aucun humain n’a jamais connu. Si les modélisations climatiques en donnent un aperçu, nous n’avons aucune idée de la façon dont la santé publique sera affectée sur le long terme. Selon le rapport du Lancet, la santé représentera au moins 5 % de toutes les dépenses consacrées à l’adaptation au climat.

Les systèmes d’alerte précoce, cependant, peuvent aider à lutter contre la propagation du paludisme et de la dengue en favorisant la mise rapide sur le marché de vaccins efficaces, l’éducation des populations et la formation de soignants. « Sans intervention accélérée, cette nouvelle ère déterminera la santé des personnes à chaque étape de leur vie », écrivent les auteurs du rapport du Lancet. Cette ère a déjà commencé : le temps où le changement climatique pouvait être considéré comme déconnecté des questions de santé est déjà derrière nous.

La majorité des enfants, en particulier ceux vivant dans les pays en développement, sont déjà soumis au risque de malnutrition : avec la hausse des températures, les rendements agricoles vont chuter (de 5 à 30 % d’ici à 2050), entraînant une hausse des prix. Les conséquences potentielles sont dramatiques : retards de croissance, affaiblissement du système immunitaire, problèmes de développement à long terme. Et ces enfants deviennent à risque dès l’âge de 3 ans pour des pathologies infectieuses : arboviroses (dengue, encéphalite West Nile, chikungunya) et pathologies d’origine hydrique (choléra, schistosomiase).

Lorsqu’ils seront adolescents, les enfants nés aujourd’hui respireront un air plus toxique, pollué par les combustibles fossiles. Une situation aggravée par la hausse des températures, qui peut engendrer une diminution de la fonction pulmonaire et un risque accru de problèmes cardiovasculaires.

Devenus adultes, ces mêmes enfants seront davantage exposés à des inondations graves, à des sécheresses prolongées et à des feux de forêt, avec pour conséquences des décès par maladies respiratoires ou liées à la chaleur, à la perte de logement et à l’augmentation de la pauvreté. Envisager le changement climatique en termes de soins de santé, particulièrement pour les générations futures, est crucial afin de reconceptualiser le débat général au niveau politique et éthique.

Emmanuel Drouet Microbiologiste à la faculté de pharmacie de Grenoble.

(1) « Changement climatique : quels effets sur notre santé ? », Emmanuel Drouet, Encyclopédie de l’environnement, 2020, www.encyclopedie-environnement.org

(2) Voir www.lancetcountdown.org

Publié dans
Le temps du climat
Temps de lecture : 4 minutes
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