Squat du seizième : tout le monde a été logé

L’intrusion dans une école en friche du seizième arrondissement de Paris a déclenché la mise à l’abri de 179 migrants auparavant à la rue. Comme quoi, la pression fonctionne.

Nadia Sweeny  • 27 janvier 2021
Partager :
Squat du seizième : tout le monde a été logé
© Photo : Des migrants ont occupé une ancienne école aidés par des bénévoles d'associations de droit au logement le 24 janvier à Paris, pour appeler à un abri «contre le froid et le virus».BERTRAND GUAY / AFP

Dimanche 24 janvier à 13h30 les associations du collectif Réquisitions et une centaine de migrants pénétraient dans une ancienne école du très huppé seizième arrondissement de Paris. Bien décidés à y installer un squat, pour mettre à l’abri un maximum de personnes qui dorment dans la rue et demander des solutions pérennes aux autorités. Parmi eux, de nombreux demandeurs d’asile afghans que nous avions rencontrés lors d’une maraude avec Reza Jafari, porte-voix de ces exilés.

Lire > Exilés et demandeurs d’asile afghans : traqués, insultés, humiliés

Rapidement, un groupe habitué aux ouvertures de squats sécurise les lieux et garde l’entrée. Un parterre de journalistes est là et accueille, toutes caméras allumées, les agents de la police municipale venus tenter de bloquer l’arrivée des personnes. Le député Éric Coquerel (La France insoumise) est d’ailleurs resté coincé quelques minutes dehors. « Qui vous a demandé d’être là et de faire ce que vous faites ? C’est en dehors de vos prérogatives », insiste le député en direction des agents municipaux qui finissent par le laisser entrer.

La bataille politico-médiatique commence. Elle oppose les associations du collectif Réquisitions, formé notamment par le DAL (Droit au logement), Solidarité Wilson et Utopia 56, aux autorités françaises : mairie de Paris mais aussi, et surtout, la préfecture de région et le gouvernement, directement responsable du manque chronique de places d’accueil, qui laisse des centaines de personnes dans la rue. Dans ce bras de fer permanent, les autorités se renvoient la balle. Ian Brossat, adjoint (PCF) au maire de Paris chargé du logement, de l’hébergement d’urgence et de la protection des réfugiés, finit par arriver et annoncer clairement que, pour des raisons de sécurité, il ne sera pas possible de rester dans ces locaux. « C’est de la responsabilité de l’État de mettre à l’abri ces personnes », explique-t-il. Soit. Mais que faire quand l’État faillit ?

© Politis

Mis sous pression par l’éventualité d’un long squat qui s’annonce ou d’une évacuation violente de la police sous le regard des journalistes, l’élu finit par proposer l’ouverture de gymnases parisiens dans le cinquième et le seizième arrondissement de la capitale afin d’accueillir les personnes présentes. Et ce, jusqu’à ce qu’une solution pérenne leur soit proposée. Rapidement, les associatifs décrochent leur téléphone et rameutent d’autres personnes en détresse qu’ils n’avaient pas fait venir par peur d’une intervention policière.

Polémique politique, réussite militante

L’élu parisien s’est tout de même bien agacé d’avoir vu défiler pendant la journée des élus LFI et EELV – dont la sénatrice Esther Benbassa.

Car l’école d’environ 600 mètres carrés, qui compte une dizaine de classes, deux préaux et plusieurs salles administratives, est un lieu politiquement sensible pour la mairie de Paris.

Nichée au cœur du quartier Engelman dans le seizième arrondissement, elle fait l’objet d’âpres négociations politiques depuis déjà deux ans. Un projet de revente du terrain à Paris Habitat, l’office HLM de la ville de Paris, devait déboucher sur la construction d’une nouvelle école, mais aussi d’un ensemble de 85 logements sociaux, dont 25 dédiés à un public très précaire. Or, non seulement les habitants s’y sont opposés, mais ils ont été soutenus par la droite et… des élus EELV et LFI, qui ont voté contre le projet au Conseil de Paris. « Ce projet a été rejeté par des organisations politiques qui viennent après vous soutenir… il faut que chacun prenne ses responsabilités ! » s’est emporté Ian Brossat.

© Politis

Ces frictions politiques, qui dépassent de loin les associations, ont probablement participé au déblocage de la situation : non seulement les 170 personnes – dont 2 mineurs isolés, 12 femmes isolées, et 8 familles avec 19 enfants – ont été mises à l’abri le soir même dans des gymnases chauffés avec de l’eau courante – absente dans l’école –, mais en plus tous ont été logés dans des hôtels ou dans des structures d’accueil spécialisées dès le lendemain. Comme quoi, quand on veut, on peut.

Société
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« Les associations permettent des espaces démocratiques alternatifs aux élections »
Entretien 10 octobre 2025 abonné·es

« Les associations permettent des espaces démocratiques alternatifs aux élections »

Samedi 11 octobre, le Mouvement associatif appelle à une mobilisation nationale nommée « Ça ne tient plus ! » Inédite, elle souligne la situation critique du monde associatif, entre manque de financements, atteinte à la liberté d’association et la marchandisation du modèle.
Par William Jean
« Nous sommes la génération Palestine » : Rima Hassan de retour de la flottille
Exclusif 9 octobre 2025

« Nous sommes la génération Palestine » : Rima Hassan de retour de la flottille

Après plusieurs jours de détention en Israël, Rima Hassan donne son premier entretien à Politis. Arrestation de la Global Sumud Flotilla, emprisonnement… Elle décrit un dispositif humanitaire ciblé et des violences dans un contexte d’apartheid. La députée européenne appelle aussi à continuer les mobilisations.
Par Maxime Sirvins et Salomé Dionisi
Retraites : la suspension de la réforme, un moindre mal pour les macronistes
Analyse 9 octobre 2025 abonné·es

Retraites : la suspension de la réforme, un moindre mal pour les macronistes

D’un passage en force en 2023 à un gage de survie politique en 2025 : pour ne pas disparaître, les macronistes sont bien obligés d’envisager la suspension de la réforme des retraites. Un moindre mal pour éviter l’abrogation.
Par Pierre Jequier-Zalc
« Il y a une histoire avant la flottille, il y en aura une après » 
Reportage 8 octobre 2025 abonné·es

« Il y a une histoire avant la flottille, il y en aura une après » 

À l’aéroport de Paris-Orly, la délégation française de la Global Sumud Flotilla a été accueillie mardi 7 octobre en grande pompe par un parterre de soutiens et de journalistes, après avoir passé 3 jours en détention en Israël.
Par William Jean