Squat du seizième : tout le monde a été logé
L’intrusion dans une école en friche du seizième arrondissement de Paris a déclenché la mise à l’abri de 179 migrants auparavant à la rue. Comme quoi, la pression fonctionne.
Dimanche 24 janvier à 13h30 les associations du collectif Réquisitions et une centaine de migrants pénétraient dans une ancienne école du très huppé seizième arrondissement de Paris. Bien décidés à y installer un squat, pour mettre à l’abri un maximum de personnes qui dorment dans la rue et demander des solutions pérennes aux autorités. Parmi eux, de nombreux demandeurs d’asile afghans que nous avions rencontrés lors d’une maraude avec Reza Jafari, porte-voix de ces exilés.
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Rapidement, un groupe habitué aux ouvertures de squats sécurise les lieux et garde l’entrée. Un parterre de journalistes est là et accueille, toutes caméras allumées, les agents de la police municipale venus tenter de bloquer l’arrivée des personnes. Le député Éric Coquerel (La France insoumise) est d’ailleurs resté coincé quelques minutes dehors. « Qui vous a demandé d’être là et de faire ce que vous faites ? C’est en dehors de vos prérogatives », insiste le député en direction des agents municipaux qui finissent par le laisser entrer.
La bataille politico-médiatique commence. Elle oppose les associations du collectif Réquisitions, formé notamment par le DAL (Droit au logement), Solidarité Wilson et Utopia 56, aux autorités françaises : mairie de Paris mais aussi, et surtout, la préfecture de région et le gouvernement, directement responsable du manque chronique de places d’accueil, qui laisse des centaines de personnes dans la rue. Dans ce bras de fer permanent, les autorités se renvoient la balle. Ian Brossat, adjoint (PCF) au maire de Paris chargé du logement, de l’hébergement d’urgence et de la protection des réfugiés, finit par arriver et annoncer clairement que, pour des raisons de sécurité, il ne sera pas possible de rester dans ces locaux. « C’est de la responsabilité de l’État de mettre à l’abri ces personnes », explique-t-il. Soit. Mais que faire quand l’État faillit ?
Mis sous pression par l’éventualité d’un long squat qui s’annonce ou d’une évacuation violente de la police sous le regard des journalistes, l’élu finit par proposer l’ouverture de gymnases parisiens dans le cinquième et le seizième arrondissement de la capitale afin d’accueillir les personnes présentes. Et ce, jusqu’à ce qu’une solution pérenne leur soit proposée. Rapidement, les associatifs décrochent leur téléphone et rameutent d’autres personnes en détresse qu’ils n’avaient pas fait venir par peur d’une intervention policière.
Polémique politique, réussite militante
L’élu parisien s’est tout de même bien agacé d’avoir vu défiler pendant la journée des élus LFI et EELV – dont la sénatrice Esther Benbassa.
Car l’école d’environ 600 mètres carrés, qui compte une dizaine de classes, deux préaux et plusieurs salles administratives, est un lieu politiquement sensible pour la mairie de Paris.
Nichée au cœur du quartier Engelman dans le seizième arrondissement, elle fait l’objet d’âpres négociations politiques depuis déjà deux ans. Un projet de revente du terrain à Paris Habitat, l’office HLM de la ville de Paris, devait déboucher sur la construction d’une nouvelle école, mais aussi d’un ensemble de 85 logements sociaux, dont 25 dédiés à un public très précaire. Or, non seulement les habitants s’y sont opposés, mais ils ont été soutenus par la droite et… des élus EELV et LFI, qui ont voté contre le projet au Conseil de Paris. « Ce projet a été rejeté par des organisations politiques qui viennent après vous soutenir… il faut que chacun prenne ses responsabilités ! » s’est emporté Ian Brossat.
Ces frictions politiques, qui dépassent de loin les associations, ont probablement participé au déblocage de la situation : non seulement les 170 personnes – dont 2 mineurs isolés, 12 femmes isolées, et 8 familles avec 19 enfants – ont été mises à l’abri le soir même dans des gymnases chauffés avec de l’eau courante – absente dans l’école –, mais en plus tous ont été logés dans des hôtels ou dans des structures d’accueil spécialisées dès le lendemain. Comme quoi, quand on veut, on peut.
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