Le gaspillage alimentaire mondial continue

Les Nations unies constatent, désabusées, qu’il stagne autour de 900 millions de tonnes par an.

Claude-Marie Vadrot  • 23 mars 2021
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Le gaspillage alimentaire mondial continue
© Photo : Samuel Hense / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

D’une année l’autre, les rapports sur le gaspillage mondial de la nourriture et des ressources alimentaires se suivent et se ressemblent. Le dernier en date, publié ce mois-ci par le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) confirme le « scandale » : plus de 931 millions de tonnes de nourriture disponible, c’est-à-dire achetée, cuisinée ou récoltée, terminent chaque année leur cycle dans des poubelles et des décharges. Un chiffre qui ne change pas.

Les recherches et comptages effectués sur toute la planète par les fonctionnaires du Pnue, avec l’aide de l’ONG anglaise Wrap, auprès des familles, des commerçants, des restaurants et des points de vente alimentaires, établissent que le niveau de ce gaspillage planétaire stagne autour de 20 %. Le rapport montre également que tous les types de pays sont concernés et que le gaspillage est important quels que soient les revenus. Il met également en lumière que « la majeure partie du gaspillage provient des ménages, qui jettent 11% de la nourriture totale au stade de la consommation. (…) Sur le plan mondial, 121 kilos de denrées alimentaires sont gaspillés chaque année au niveau de chaque consommateur, dont 74 % au sein d’un ménage ».

700 millions de personnes souffrent de la faim

L’ampleur persistante de ce « phénomène » qui ne comptabilise pas les pertes subies lors des récoltes est d’autant plus surprenante que les Nations unies estiment que dans le monde près de 700 millions de personnes souffrent de la famine et qu’en raison de la pandémie en cours ce chiffre devrait fortement augmenter. Un paradoxe. Pourtant, quels que soient les pays examinés, qu’ils soient riches ou sous-développés, les mécanismes de gaspillage sont semblables et révèlent que leurs auteurs n’en ont pas vraiment conscience. Et que les mesures suggérées pour inciter les consommateurs à moins jeter sont donc « tout aussi pertinentes dans les pays riches et développés, les pays à revenus intermédiaires et les pays pauvres, et que ces pays pourront développer une stratégie plus efficace contre tous les gaspillages y compris l’alimentaire ».

Les déchets alimentaires ont aussi des impacts environnementaux, sociaux et économiques considérables. À une époque où l’action climatique est encore à la traîne, environ 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont associés à des aliments qui ne sont pas consommés. La réduction du gaspillage alimentaire, explique en substance le rapport du Pnue, permettrait de réduire les émissions de gaz carbonique, de ralentir la destruction de la nature par la conversion des terres en évitant leur pollution, d’améliorer la disponibilité des aliments et donc de réduire la faim. Ce qu’Inger Andersen, directrice du Pnue, résume ainsi : « Réduire les gaspillages nous permettrait de faire des économies en cette période de récession mondiale, et les gouvernements et les citoyens du monde entier doivent prendre leur part pour réduire ce gaspillage alimentaire. » Mais cela semble rester un vœu pieux.

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