Le Printemps silencieux des oiseaux

Les naturalistes constatent la disparition des oiseaux mais ne savent pas quoi faire alors que cette catastrophe n’est pas nouvelle.

Claude-Marie Vadrot  • 8 juin 2021
Partager :
Le Printemps silencieux des oiseaux
© Photo : Michel Soudais

Le livre qui portait ce titre a été publié en France chez l’éditeur Plon, après son succès aux États –Unis, au début des années 60. L’auteure américaine du Printemps silencieux s’était d’abord fait connaître dans son pays où le pamphlet connut un chiffre de ventes inespéré. La scientifique Rachel Carson dont l’ouvrage fut d’abord publié en feuilleton dans le magazine New Yorker avait tout annoncé.

Elle écrivait dans le chapitre « Elixir de mort » : « Pour la première fois dans l’histoire du monde, l’homme vit au contact de produits toxiques, depuis sa conception jusqu’à sa mort. Au cours de leurs vingt ans d’existence, les pesticides synthétiques ont été si généreusement répandus dans les règnes animal et végétal qu’il s’en trouve virtuellement partout. On en découvre dans le corps des poissons, des oiseaux, des reptiles, des oiseaux, des animaux sauvages et domestiques. Ces produits existent maintenant dans le corps de la majorité des gens quel que soit leur âge. »

Un silence inquiétant

Elle expliquait également dans un autre chapitre que « dans bien des villages d’Amérique, où les oiseaux migrateurs venaient annoncer l’arrivée du printemps, où chaque lever de soleil s’accompagnait d’aimables gazouillis, la nature conserve maintenant un silence inquiétant. Quelque chose s’est glissé parmi nous qui a fait taire des oiseaux et nous a privé de la beauté, de la vie que les petites ailes légères donnait à notre monde. Cela s’est fait si discrètement que personne ne s’en est aperçu ».

Soixante ans plus tard, le Muséum national d’histoire naturelle, l’Office français de la biodiversité et la Ligue pour la protection des oiseaux nous informent dans une brochure qui résume 30 ans de programmes participatifs de suivi des oiseaux communs que la France a perdu en moyenne 30 % de ses oiseaux depuis 30 ans. Le responsable des oiseaux au Muséum national d’histoire naturelle, le professeur Frédéric Jiquet écrit en introduction à cette étude comme en écho à ce que disait Rachel Carson :

Nous éprouvons un immense sentiment d’impuissance, d’inefficacité, et de n’avoir pas pu aider au grand changement qui pourrait préserver la biodiversité. C’est un vrai constat d’échec de continuer à communiquer sur le déclin des moineaux, des linottes ou des hirondelles.

Les chiffres publiés illustrent le désespoir des naturalistes et montrent à quel point l’avertissement de l’ auteure américaine était prémonitoire. Sur les 123 espèces les plus courantes dans les campagnes et les villes françaises 43 sont en déclin. Qu’il s’agisse de la tourterelle, du chardonneret, du moineau, de l’alouette ou des différents espèces de mésanges, les chutes de population sont impressionnantes et sur un déclin qui approche de l’extinction. D’autant plus que les raisons sont multiples et s’ajoutent. Qu’il s’agisse des champs agricoles, des forêts ou dans les villes. Évidemment, leurs constatations rejoignent celle de Rachel Carson : les pesticides jouent d’autant plus un rôle important que les quantités déversées dans les espaces cultivées ne faiblissent pas depuis une cinquantaine d’années.

Il est donc utile et urgent de relire le Printemps silencieux pour comprendre à quel point nous ne respectons plus la nature dont la scientifique expliquait alors que « vouloir corriger la nature est une arrogante prétention née de nos insuffisances ». Elle ne fut pas écouté et c’est pour cela que dans mon jardin, depuis des années, je ne vois plus de troglodyte mignon, de chardonneret, de mésange à longue queue, de grimpereau et autres pipits…

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

En amont des municipales, L214 alerte sur l’hécatombe des animaux
Reportage 13 octobre 2025 abonné·es

En amont des municipales, L214 alerte sur l’hécatombe des animaux

Lors d’une action dans 35 villes françaises, samedi 11 octobre, L214 a affiché des compteurs d’animaux tués pour l’alimentation. L’objectif : interpeller les candidat·es aux prochaines élections municipales dans le cadre de leur campagne, le Sauvetage du siècle.
Par Caroline Baude
Mégacanal : l’imposture écologique d’un « aquarium de béton »
Reportage 10 octobre 2025

Mégacanal : l’imposture écologique d’un « aquarium de béton »

Le canal Seine-Nord Europe devrait voir le jour dans les Hauts-de-France en 2030. Un chantier colossal, qui a un impact sur les terres agricoles et les ressources en eau.  
Par Vanina Delmas
Agro-industrie : comment le mégacanal attire une usine d’engrais chimique
Reportage 10 octobre 2025 abonné·es

Agro-industrie : comment le mégacanal attire une usine d’engrais chimique

Dans la Somme, l’arrivée de l’usine FertigHy, destinée à fabriquer de l’engrais chimique dit « bas carbone », inquiète les élus locaux et les riverains. Un projet qui coïncide avec le chantier du Canal-Nord-Seine-Europe, lui aussi contesté.
Par Vanina Delmas
Lutte contre les pesticides : « On a l’impression que tout est fait pour que ça traîne »
Entretien 16 septembre 2025 libéré

Lutte contre les pesticides : « On a l’impression que tout est fait pour que ça traîne »

L’Anses et Santé Publique France ont publié une nouvelle étude sur les pesticides. Mais elle ne s’intéresse pas aux liens avec les pathologies, pourtant primordial. Entretien avec Pierre-Michel Périnaud, président de l’association Alerte des médecins sur les pesticides.
Par Caroline Baude