Maintien de l’ordre : le Conseil d’État rembarre le ministère de l’Intérieur

Le Conseil d’État décrète illégaux quatre éléments centraux du nouveau schéma de maintien de l’ordre publié en septembre 2020, dont la technique de la nasse. Un humiliant camouflet pour le gouvernement.

Nadia Sweeny  • 10 juin 2021
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Maintien de l’ordre : le Conseil d’État rembarre le ministère de l’Intérieur
© Photo : La « nasse » est une pratique jugée illégale par le Conseil d'État (Karine Pierre / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Humiliant revers pour le ministère de l’intérieur. Saisi par plusieurs associations dont le Syndicat national des journalistes et la Ligue des droits de l’homme, le Conseil d’État, par décision publiée ce jeudi 10 juin, annule plusieurs points fondamentaux du nouveau schéma de maintien de l’ordre de Gérald Darmanin, principalement pour _« excès de pouvoir ».

Le premier point rendu illégal : la technique dite de la nasse, soit l’encerclement des manifestants. Le Conseil d’État juge que « si cette technique peut s’avérer nécessaire dans certaines circonstances précises, (…) elle est susceptible d’affecter significativement la liberté de manifester, d’en dissuader l’exercice et de porter atteinte à la liberté d’aller et venir. » Du fait que « le texte ne précise pas les cas où il serait recommandé de l’utiliser. Le Conseil d’État annule ce point car rien ne garantit que son utilisation soit adaptée, nécessaire et proportionnée aux circonstances. »

Deuxième point : l’obligation pour les journalistes d’obéir aux ordres de dispersion. Dans son schéma, le ministère précisait que « le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ou de membres d’associations » et que par conséquent, les journalistes, « dès lors qu’ils sont au cœur d’un attroupement, doivent, comme n’importe quel citoyen obtempérer aux injonctions des représentants des forces de l’ordre en se positionnant en dehors des manifestants appelés à se disperser ». Illégal !

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Le Conseil d’État précise même que : la présence de la presse et des journalistes « contribue à garantir, dans une société démocratique, que les autorités et agents de la force publique pourront être appelés à répondre de leur comportement à l’égard des manifestants et du public en général et des méthodes employées pour maintenir l’ordre public et contrôler ou disperser les manifestants. »

Concernant l’interdiction du port d’équipements de protections : « Il n’appartient pas au ministre de l’Intérieur, dans une circulaire visant à encadrer l’action des forces de police en matière de maintien de l’ordre, d’édicter ce type de règles à l’attention des journalistes comme de toute personne participant ou assistant à une manifestation. »

Enfin, l’obligation pour les journalistes d’être accrédités par les autorités pour accéder au canal d’échange mis en place par les forces de l’ordre lors des manifestations est aussi jugée illégale. L’aspect imprécis de la rédaction, est « susceptible de conduire à des choix discrétionnaires » et « porte atteinte de manière disproportionnée à la liberté de la presse ». Le Conseil d’État condamne l’État à verser une somme totale de 12.000 euros aux associations à l’origines des requêtes.

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