Université d’été du PS : Les socialistes s’y voient déjà

Réuni du 26 au 29 août, le mouvement affiche sa sérénité en reprenant les bases de sa dernière élection présidentielle.

Michel Soudais  • 1 septembre 2021 abonné·es
Université d’été du PS : Les socialistes s’y voient déjà
© OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

Au Parti socialiste, on a le sens des symboles et de la mise en scène. L’an dernier, pour la première fois de son histoire, sa direction abandonnait La Rochelle, lieu traditionnel de ses rentrées politiques, pour la ville de Blois. Autant pour tourner la page des années Hollande que pour annoncer la renaissance du parti au poing et à la rose dans une ville marquée par cette période historique. Les socialistes étaient alors requinqués par leurs succès aux municipales. Mais l’heure était encore au dialogue avec les autres formations de gauche et les écologistes. Plusieurs de leurs représentants, invités, étaient venus débattre dans les tables rondes puisqu’Olivier Faure, premier secrétaire du PS depuis 2018, n’excluait pas de se ranger derrière un candidat qui incarne « le bloc social et écologique », même s’il n’était pas de son parti.

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Un an plus tard, cette ouverture n’est plus de mise. La réélection en juin de leurs cinq présidents sortants aux régionales, celle aussi de leurs équipes départementales, et l’absence de conquête des écologistes à ces deux scrutins, a remisé cette modestie au rayon des accessoires. Le PS se voit désormais en « force motrice » de la gauche. La seule.

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Et entend imposer comme une évidence la candidature d’Anne Hidalgo. D’abord dans ses rangs puisque le maire du Mans, Stéphane Le Foll, la conteste et réclame un débat qu’elle refuse. Mais aussi aux écologistes et aux communistes auprès de qui Olivier Faure se donne « plusieurs mois pour faire triompher la raison ».

Accueillie à la gare par le patron du PS, applaudie pour sa seule présence lors de la séance inaugurale, Anne Hidalgo était vendredi soir la vedette d’une « soirée militante » organisée dans la cour du château royal de Blois, où elle est entrée sous la musique d’« Hasta Siempre » jouée par un orchestre entre une haie de militants ravis. On l’a même vue chantonner les paroles de cette chanson écrite en l’honneur de Che Guevara et esquisser quelques pas de danse. Avant de recevoir, en guise d’adoubement, les éloges et encouragements des élu·es – maires, député, eurodéputée, président de département et président·es de région – qui, à l’instar de Carole Delga, espèrent qu’elle « devienne la première femme élue présidente de la République » et l’entouraient sur le perron aménagé pour des prises de parole.

« Les rois de France, lui a lancé le maire des lieux, Marc Gricourt, c’est ici leur deuxième résidence… Anne tu es ici chez toi ! » Mais ce soir-là, la reine Anne n’aura rien dévoilé de ses intentions, comme elle était restée évasive l’après-midi dans une table ronde sur le multilatéralisme, se contentant de juger « le moment difficile et grave » notamment sur « la question climatique » ou celle des « inégalités », et d’affirmer son attachement au « parti de Jaurès, Blum, Mitterrand et Jospin », qui a fait « de grandes réformes, de grandes transformations ». Tout le monde aura remarqué l’absence de Hollande dans cette galerie des grands ancêtres.

Le PS se voit désormais en « force motrice » de la gauche. La seule.

« En 2022, nous pouvons être à la hauteur de ce qu’a été le 10 mai 1981 », avait lancé auparavant Olivier Faure. En attendant d’avoir sa candidate, le patron du PS et ses lieutenants n’étaient pas peu fiers d’annoncer avoir un projet. « Pour la première fois depuis dix ans », ont-ils insisté. Rédigé dans une langue suave et doucereuse, ce document de 96 pages, dont 111 propositions, affirme en titre qu’« il est temps de vivre mieux »_. Rédigé par Boris Vallaud, député des Landes et l’un des porte-parole du PS, il est le résultat d’une démarche entamée lors du premier confinement avec des consultations d’acteurs, d’associations et de syndicats, que les militants ont pu suivre sur internet, suivies par une « consultation citoyenne ». Cet été, 88 propositions étaient ainsi soumises au vote des internautes, sur une plate-forme dédiée, ce qui a permis de dégager, pour chacun des chapitres, les trois propositions les plus en vogue.

Ce texte, transmis par mail aux adhérents à l’ouverture du Campus, tire le bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron en termes rudes et défend la nécessité d’une « radicale transformation » du modèle économique et social actuel. « La crise du covid a été une épreuve et un révélateur, a expliqué Boris Vallaud. Nous avons touché du doigt les limites de trente ans de néolibéralisme. » Ses sept grands chapitres affichent des objectifs volontairement consensuels : « Un emploi pour tous, un travail pour chacun » ; « Une politique globale de santé au service d’une société du soin » ; « Environnement et climat : plus de justice, moins de carbone » ; « Une république émancipatrice qui fait grandir tous ses enfants » ; « Démocratiser la démocratie » ; « La république de la sécurité » ; « Reprendre le contrôle de nos vies : le choix de l’Europe et de la solidarité planétaire ».

Certaines propositions affichent une radicalité à laquelle le PS ne nous avait pas habitués, comme la « limitation des écarts de rémunération de 1 à 20 entre le plus bas et le plus haut salaire », jugée irréaliste en 2012 quand elle figurait dans le programme du Front de gauche. D’autres prennent le contre-pied de réformes conduites par des gouvernements PS : « conditionner les aides publiques [aux entreprises] au respect de certaines contreparties » sociales, écologiques et fiscales ; une « CSG progressive » et « familiarisée pour tenir compte de l’ensemble des revenus du foyer » ; « revoir le calendrier électoral pour décorréler présidentielle et législatives », etc. D’autres encore, en nombre non négligeable, se contentent d’afficher des intentions. En revanche, certains sujets importants sont absents : le projet est muet sur la question des retraites et de leur financement. Plébiscité par les militants, le droit de vote des étrangers aux élections municipales a été oublié à la rédaction, a reconnu Boris Vallaud en plénière en assurant que cette promesse de 1981 jamais honorée serait réintégrée.

Non définitif à ce stade, ce projet qui ne liera que modérément le ou la candidat.e, qui restera libre d’ajouter ou de retrancher ce que bon lui semble, doit encore être soumis le 9 septembre au vote des adhérents qui, à cette occasion, pourront l’amender. L’adoption définitive est prévue lors du congrès qui se tiendra les 18 et 19 septembre à Villeurbanne (Rhône). Initialement prévu à la fin de l’année dernière, ce rendez-vous n’avait pu se tenir du fait des mesures sanitaires. Sans surprise, Olivier Faure devrait être reconduit à son poste face à Hélène Geoffroy, maire de Vaux-en-Velin et ex-secrétaire d’État à la politique de la ville dans le gouvernement de Manuel Valls, qui a le soutien de la vieille garde hollandiste. Ce congrès doit aussi décider des conditions de désignation du ou de la candidate à l’élection présidentielle ; le recours à une primaire citoyenne, inscrite dans les statuts du parti, étant exclu, la direction du PS assure qu’un vote des militants sera organisé. Pour Hidalgo, ce n’est plus qu’une question de semaines.