Néonazis, royalistes, identitaires… Bienvenue au meeting de Zemmour

Zemmour attire de nombreux militants d’organisations radicales d’extrême droite. Des néonazis aux royalistes en passant par les identitaires ultra-violents et les nationalistes, reportage au cœur d’un meeting fascisant.

Daphné Deschamps  • 6 décembre 2021
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Néonazis, royalistes, identitaires… Bienvenue au meeting de Zemmour
© Photo : Des militants d'extrême droite encagoulés dans le meeting de Zemmour au Parc des Expositions de Villepinte le 5 décembre 2021.

Dès l’arrivée à Villepinte, le ton est donné. « Achetez Le Bien commun, lisez L’Insurgé, renseignez-vous, Maurras avait raison ! » Si Éric Zemmour tient son premier meeting de candidat à la présidentielle, le comité d’accueil est loin d’être républicain : une quarantaine de militants de l’Action française, menée par Guillaume de Salvandy, leader idéologique de la section parisienne de l’organisation, connue notamment pour son antisémitisme, vendent à la criée leurs différents journaux, avec des unes à la gloire de Charles Maurras ou contre l’immigration. L’organisation royaliste est postée partout dans le meeting. C’est logique, une bonne partie de ses militants sont membres de Génération Z, la branche jeunesse de la campagne de Zemmour, et ils sont venus en nombre pour l’occasion, comme en atteste cette photo de groupe postée sur Instagram.

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Mais c’est loin d’être la seule organisation d’extrême droite présente dans le Hall 6 du Parc des expositions. En vrac, on a pu apercevoir des anciens du FN, aujourd’hui membres du Parti de la France, des catholiques ultraconservateurs et anti-IVG, des étudiants connus pour des faits de violence, des anciens cadres de Génération identitaire, des ultras néonazis du Kop of Boulogne, et des membres des Zouaves Paris, un groupuscule néonazi ultraviolent. Trombinoscope d’une foule plus bigarrée que le programme d’Éric Zemmour. Dès l’entrée donc, on croise des royalistes arborant des tshirts « STAFF GZ », distribuant les badges presse ou plaçant les « VIP » invités par Zemmour. Mais l’Action française n’est pas la seule organisation. Après les premiers contrôles, on est orienté par… un militant de la Cocarde étudiante, association étudiante d’extrême droite, connu pour avoir fait partie du SO du groupuscule Némésis lors de la manifestation du 20 novembre dernier. D’autres membres de cette même Cocarde sont aussi présents dans le meeting, à l’organisation ou en tant que simples spectateurs.

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Un militant de la Cocarde Etudiante, au meeting d’Eric Zemmour le 5/12/2021 // Le même militant dans le service d’ordre de Némésis le 20/11/2021

Quand on se balade dans les rangées de sièges en plastique bleu, on tombe sur des membres d’organisations opposées à l’avortement, dont la Marche pour la Vie. Ils débattent de la loi Gaillot, qui prévoit l’allongement du délai d’avortement à 14 semaines, avec des membres de Civitas, mouvement national-intégriste qui s’autodéfinit comme un « lobby catholique traditionnaliste ». À la tête de ce petit milieu, il y avait le très jeune (19 ans) Mathieu Goyer, responsable de la section parisienne de Civitas, qui ne s’est pas privé de donner des interviews. Un peu plus loin sur l’aile droite du meeting, juste devant la « zone VIP », deux broches dorées attirent l’oeil : deux spectateurs arborent fièrement la flamme d’honneur du Front National, décernée à l’époque par Jean-Marie Le Pen à ses militants méritants. Tous deux sont aujourd’hui membres du Parti de la France, parce que « nous on est Front national, pas Rassemblement national », insistent-ils. Les deux revendiquent un attachement très fort au FN « à l’ancienne », et rejettent complètement la « ligne molle et féminisée » de Marine Le Pen. L’un d’entre eux présente même avec fierté sa carte d’adhésion au FN de 2010, avec un montage de Jean-Marie Le Pen à cheval. « C’est à partir d’un tableau du peintre de Staline », rigole-t-il. « Comme quoi en 2010 le père Le Pen avait déjà bien craqué, même si personne ne l’avait remarqué. »

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Deux militants du Parti de la France arborant la flamme d’honneur du Front National au meeting.

L’espace VIP reflète la diversité des soutiens du candidat. On y trouve les responsables de section de Génération Z, les Amis d’Éric Zemmour, des soutiens politiques, de Christine Boutin à Eric Naulleau en passant par Lorrain de Saint-Affrique, collaborateur de Jean-Marie Le Pen, ou Joachim Son-Forget (député ex-LREM), les influenceuses identitaires Juliette Briens, Thonia (que vous nous avions déjà présentée dans notre dossier la Peste Zemmour) ou Bahia Stendhal… Et puis des cadres de l’organisation dissoute Génération identitaire : Aurélien Verhassel (Lille), Etienne Cormier (Lyon), Jérémie Piano (Aix-en-Provence), Edouard Michaud et Antoine Oziol de Pignol (Paris).


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Captures d’écran Instagram (@aurelienverhassel, @etienne.cormier)

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Jérémie Piano dans la « zone VIP ».

Dans la salle, disséminés par petits groupes d’une dizaine, se sont installés les « gros bras » nationalistes et néonazis venus écouter le candidat. Et castagner un peu aussi. Avant même l’ouverture des portes, des heurts ont éclaté devant la station de RER, et entre 50 et 70 de ces « casus » (du nom de leur style vestimentaire, né dans les groupes hooligans, NDLR) venus de toute la France ont pourchassé les prémices du rassemblement antifasciste, avant d’être escortés à l’intérieur du meeting par les forces de l’ordre. Bien au chaud, ils restent encagoulés jusqu’aux yeux, bras croisés, et discutent d’un air grave avec les bénévoles chargés de la sécurité. Ces « casus » sont organisés autour d’un groupuscule néonazi bien connu, les Zouaves Paris. Ceux-ci sont habitués des rixes, ratonnades et autres attaques de lieux et mobilisations de gauche. Certains d’entre eux sont même poursuivis par la justice pour l’attaque du bar le Saint-Sauveur en juin 2020. C’est le cas de Marc de Cacqueray-Valmenier, dit Marc Hassin, présent dans le public du meeting d’Éric Zemmour. Celui-ci est proche d’Édouard Michaud et Antoine Oziol de Pignol, puisqu’ils ont l’habitude tous les trois de fréquenter le KOB, pour Kop of Boulogne, ancien groupe de hooligans supporters du PSG aux penchants néonazis, eux-mêmes très violents. Des photos de cette amitié ont été révélées par nos confrères de Mediapart en juin 2020.

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Edouard Michaud, capture d’écran vidéo (crédit Rémy Buisine/Brut)

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Marc de Cacqueray-Valmenier durant la rixe, captures d’écran vidéo (crédit Rémy Buisine/Brut, Clément Lanot/CLP Press)

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Antoine Oziol de Pignol (en gris) et Marc de Cacqueray-Valmenier (encagoulé) durant la rixe, capture d’écran vidéo (crédit le Huffpost)

Marc de Cacqueray-Valmenier, Édouard Michaud et Antoine Oziol de Pignol ont tous les trois participé au tabassage en règle des militants de SOS-Racisme qui ont enfilé des t-shirts pour former avec leur torse un « non au racisme » durant le discours d’Eric Zemmour. Marc de Cacqueray-Valmenier n’hésitant pas à donner des coups et même lancer une chaise, alors qu’Edouard Michaud et Antoine Oziol de Pignol accompagnait le mouvement plus en retrait. Et l’ensemble des néonazis et nationalistes venus « se faire des antifas » a même été remercié par un responsable du SO du meeting, comme l’a révélé une vidéo de nos confrères du Huffpost.

Ce petit groupe d’une centaine a ensuite posé pour deux photos de « mob », nom de code pour les Zouaves pour une ratonnade, la première à Villepinte et la deuxième devant la fontaine Saint-Michel dans le cinquième arrondissement de Paris. Deux photos diffusées par la suite sur le canal Telegram des Zouaves Paris, Ouest-Casual.

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Cette violence si présente et si décomplexée au cœur d’un meeting présidentiel est-elle si surprenante ? Dans son dernier livre, Zemmour l’écrit explicitement : « En France, seule la violence fait plier l’État. » Cette phrase se trouve dans le chapitre qui revient sur la Manif pour Tous, intitulé « La défaite pour tous », comme l’ont relevé nos collègues de Têtu. Selon lui ce mouvement a échoué du fait de son « pacifisme ». La liberté d’action laissée aux militants et groupuscules ultra-violents qui le soutiennent, en plein accord avec son équipe de campagne, s’accorde pleinement avec sa conception de l’action politique.

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