Waly Dia : Éclats de rire sur France réac’

Décapant et frontalement politique, Waly Dia s’empare des combats du moment, sans se départir de son rôle d’humoriste.

Erwan Manac'h  • 19 janvier 2022 abonné·es
Waly Dia : Éclats de rire sur France réac’
© David Clément

Pur produit de la génération « stand up », qui a inondé la scène du rire au début des années 2010 grâce au tremplin offert par Jamel Debbouze, Waly Dia met désormais sa science de la vanne au service d’un humour social.

Né d’une mère française, infirmière en psychiatrie, et d’un père sénégalais ayant gravi les échelons de son entreprise pour finir directeur des achats, Waly Dia grandit dans un quartier populaire grenoblois. Sa chance, juge-t-il avec le recul, aura été de maîtriser deux langages, celui du quartier et celui de l’élite. « Deux formes d’intelligence qui ont chacune leur noblesse » et qui infusent encore son humour.

Ensemble ou rien, en tournée dans toute la France en 2022 et au Théâtre de la Madeleine du 1er au 4 juin, voir les dates sur www.walydia.fr
Il collectionne les petits boulots dès l’âge de 15 ans – homme à tout faire dans une boîte de nuit, vendeur de chaussures… – en parallèle de ses études de communication. Et découvre l’envers de la vie politique au cours d’un stage au service communication de la ville de Grenoble, dans les années 2000. Son diplôme en poche, il atterrit dans une boîte de com qui lui « gèle les os », tant il se sent incapable de travailler sous la coupe d’un patron. Il écoute alors une petite voix intérieure qui lui intime de tout plaquer. Direction Nantes pour ses premières scènes ouvertes, puis Paris, où il rejoint l’émission de Laurent Ruquier « On ne demande qu’à en rire » et le cercle du Jamel Comedy Club. La troupe réunie par Jamel Debbouze pour des tournées et des spectacles dans son petit théâtre parisien diffuse aussi des sketchs sur Canal+. Un formidable accélérateur de carrière, sur une scène du rire surabondante en talents, mais qui étouffe trop vite les pépites qui ne sont pas touchées par le buzz.

Waly Dia se constitue progressivement un public, grâce à des sketchs sur la drague en boîte de nuit, la vie de couple ou les facéties des collégiens des années 2000. Son talent de comédien et son énergie d’ancien danseur hip-hop complètent une écriture efficace. Mais il s’autocensure.

Sa chance aura été de maîtriser deux langages, celui du quartier et celui de l’élite.

Sa mue sera spectaculaire. En 2018, il lance son troisième one-man-show par une tournée fondée sur l’improvisation. À 33 ans, le jeune père se sent prêt à assumer un rôle de grande gueule. Il semble chercher l’adversité et trouve désormais l’inspiration dans la tragicomédie de l’actualité, les violences policières, le complotisme, le patriarcat, l’antisémitisme, la pédocriminalité ou le consumérisme.

Seul en scène pendant une heure et demie, il désamorce des sujets d’apparence explosive et porte un regard cru sur la société. « À l’hôpital, il n’y a plus d’oseille ! On fait des trachéotomies avec des roulettes à pizza. Vous venez pour une anesthésie, on vous donne des Dragibus », assène-t-il. Il ironise sur le sort des gilets jaunes, cette autre France pauvre qui a découvert les Flash-Ball vingt ans après les jeunes de banlieue. Il se paye Éric Zemmour et son projet de guerre civile, « surtout pour les autresParce que son corps galbé comme un furet asthmatique lui interdit toute forme de violence ».

Waly Dia assume une ligne farouchement politique, mais n’abandonne jamais son vécu, ni la traduction concrète des scandales que vivent les gens, et qu’il dénonce. Il tient surtout à rester dans son costume d’humoriste, en retombant sur une vanne à chacune de ses tirades.

Depuis septembre 2020, il s’est ouvert à un nouveau public grâce à ses chroniques régulières dans l’émission « Par Jupiter », sur France Inter, dans laquelle il jouit d’une grande liberté de ton. Il offre, à près d’un million d’auditeurs en moyenne, un condensé hilarant de l’actualité en quatre minutes, qui lui demande au moins deux jours d’écriture. Un exercice qu’il partage avec son coauteur, Mickael Quiroga. Leur technique est rodée : repérer l’absurdité d’une réalité et délivrer la punchline qui créera l’effet de surprise, comme pour stresser l’auditoire tout en lui délivrant la dose de rire salvateur.

L’humour qu’il propose est un plaisir paradoxal. Comme le titre de son spectacle, Ensemble ou rien, formulé comme un ultimatum bienveillant. L’espoir de Waly Dia, c’est que son regard sans concession participe au « rire-ensemble ». Une promesse délicieusement subversive.

Société Culture
Temps de lecture : 4 minutes

Pour aller plus loin…

Montreuil : une cinquantaine de personnes expulsées du squat Gambetta avant l’hiver
Logement 10 octobre 2024 abonné·es

Montreuil : une cinquantaine de personnes expulsées du squat Gambetta avant l’hiver

Vers 6 heures du matin le 10 octobre, les forces de l’ordre ont délogé les habitants présents sur place, parmi lesquels des enfants et des femmes enceintes. La mairie dénonce une expulsion « inhumaine », les soutiens du collectif réclament des solutions pérennes de relogement.
Par Tristan Dereuddre
Gisèle Sapiro : « Les œuvres ne suffisent pas à fonder la réputation mondiale d’un auteur »
Entretien 9 octobre 2024 abonné·es

Gisèle Sapiro : « Les œuvres ne suffisent pas à fonder la réputation mondiale d’un auteur »

La sociologue de la littérature analyse les rouages de la consécration transnationale des auteurs admis au rang de classiques reconnus. Elle étudie pour cela le rôle des « intermédiaires »  comme les éditeurs, traducteurs, préfaciers, prix littéraires…
Par Olivier Doubre
Mères solos : des droits pour sortir de l’ombre
Enquête 9 octobre 2024 abonné·es

Mères solos : des droits pour sortir de l’ombre

De nombreuses initiatives, et une proposition de loi annoncée pour cet hiver, visent à lutter contre la précarité massive des femmes qui élèvent seules leurs enfants. Le tout, pour leur reconnaître un statut à part entière.
Par Hugo Boursier
À Lyon, les femmes sans toit donnent de la voix
SDF 9 octobre 2024 abonné·es

À Lyon, les femmes sans toit donnent de la voix

Au sein d’un collectif, des mères de famille sans abri cherchent elles-mêmes des solutions de logement face à des pouvoirs locaux dépassés. Malgré leurs promesses de campagne, les écologistes peinent à répondre aux besoins.
Par Oriane Mollaret