Parcoursup : une plateforme injuste et dysfonctionnelle

Les lycéens recevront, ce jeudi 2 juin, de premières réponses à leurs vœux d’affectation dans l’enseignement supérieur. Le collectif Nos Services Publics revient, dans un rapport détaillé, sur l’échec de la plateforme d’accès à l’enseignement supérieur Parcoursup.

Yann Mougeot  • 2 juin 2022
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Parcoursup : une plateforme injuste et dysfonctionnelle
© Crédits : SERGE TENANI / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFPnnnIllustration d'une étudiante masquée parcourant le site Parcoursup, plateforme où les lycéens choisissent leur orientation dans les études supérieures.

C’est le début de l’angoisse pour les néo-bacheliers. Dès ce 2 juin, les élèves ayant obtenu leur baccalauréat en 2022 recevront, peut-être, de premières offres de formation supérieure.

Depuis 2018, et l’adoption de la loi « Orientation et réussite des étudiants », l’affectation des lycéens vers l’enseignement supérieur s’effectue grâce à la plateforme numérique Parcoursup, qui a remplacé le système Admission Post Bac (APB). À l’époque, le gouvernement d’Édouard Philippe promet une procédure plus juste évitant le recours au tirage au sort par les universités. Une pratique pourtant très marginale. En réalité, la réforme renforce les inégalités, instaurant une sélection par classement dans des filières dont l’accès non-sélectif était, jusque-là, garanti par la loi.

À l’aube du processus d’affectation de 2022, le collectif Nos Services Publics publie un rapport dans lequel il passe au crible les résultats de Parcoursup, quatre ans après sa mise en œuvre. L’association, qui regroupe des fonctionnaires ou contractuels, pointe l’inutilité, voire la contre productivité de la réforme et met en évidence ses principaux défauts.

Une logique de classement

En 2018, l’instauration de Parcoursup met fin à la possibilité pour les élèves de hiérarchiser leurs vœux d’orientation au début de la procédure. À la place, ils sont invités à formuler jusqu’à 30 candidatures, sans ordre de préférence. Un classement leur est attribué pour chaque formation, ce qui amène à la création de files d’attente. Les étudiants sont alors invités à accepter ou décliner l’offre de formation sous quatre jours, ce qui peut libérer des places pour des candidats moins bien classés. Une logique qui conduit « à l’intervention, sans harmonisation ni coordination, d’un grand nombre d’acteurs différents dans la procédure », précise le collectif Nos Services Publics dans son rapport.

Afin de classer toutes ces candidatures, une commission d’examen est désignée dans chaque unité de formation et de recherche (UFR). Souvent, cette pré-sélection s’effectue sur la base d’un algorithme local. En 2020, la Cour des comptes en recensait 15.000 sur tout le territoire. « La pondération des critères est déterminée localement, discriminant le cas échéant selon des critères étrangers à la formation », explique le collectif. Il regrette que cette sélection par algorithme remplace des « critères objectifs, nationaux et non-académiques ».

Interminable attente

Les élèves les mieux classés par les algorithmes de Parcoursup reçoivent de nombreuses réponses favorables à leurs candidatures. Les autres sont placés dans de longues listes d’attentes. « L’absence de possibilité de traitement automatique des préférences des lycéens conduit à un effet de blocage », détaille le collectif. Un traitement automatique que permettait, à l’inverse, la hiérarchisation des vœux dans le système APB.

Le rapport révèle ainsi que près de 50% des bacheliers ne reçoivent pas de réponse positive au premier jour des résultats de Parcoursup début juin, contre 20% à l’époque d’APB. Certains attendent jusqu’au 15 juillet pour connaître leur affectation. Nos Services Publics questionne l’utilité d’une procédure jugée « humiliante ». « Parcoursup conduit à une perpétuation des inégalités sociales car un tel système rend indispensables l’établissement de stratégies complexes », écrit l’association.

Dépenses pharaoniques, résultats insuffisants

La mise en place de la loi ORE et de la plateforme complique aussi le travail des personnels de l’éducation nationale. Nos Services Publics estime que les professeurs du secondaire passent annuellement près de 2,6 millions d’heures à accompagner les élèves dans leurs démarches sur Parcoursup. Soit un coût salarial de près de 100 millions d’euros, sans compter les dépenses liées à la mise en place d’algorithmes et de commissions d’examens.

Malgré un investissement public colossal, les résultats de cette réforme sont décevants. Le nombre d’élèves qui arrêtent leurs études après le bac n’a pas augmenté avec l’instauration de Parcoursup. Mais l’absence de hiérarchisation des vœux par les étudiants rend la qualité des affectations impossible à mesurer. Pour le collectif Nos Services Public, « le problème du manque de place dans les formations supérieures publiques reste entier ».

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