« Londres » de Céline : chef-d’œuvre en cours

Deuxième inédit de Céline à paraître cette année, Londres est une incursion dans le milieu interlope de la capitale anglaise pendant la Grande Guerre. Jubilatoire et dense.

Jean-Claude Renard  • 5 octobre 2022 abonné·es
« Londres » de Céline : chef-d’œuvre en cours
© Louis-Ferdinand Céline, en octobre 1951, lors d'un procès contre Julliard, qui avait publié une traduction du journal d'Ernst Jünger, où une phrase antisémite était attribuée à l'auteur français. (Photo : AFP.)

La maison Gallimard a l’art de feuilletonner. Au printemps paraissait avec succès Guerre (161 000 exemplaires à ce jour !). Ce mois-ci, c’est au tour de Londres, avant la publication de la légende médiévale La Volonté du roi Krogold. Poids différent, lecture différente.

Dans cette série d’inédits qui resurgissent de façon rocambolesque cette année (voir Politis n° 1707), exhumés en 2021 après la mort de Lucette Almanzor, la femme de Louis-Ferdinand Céline, Londres est le récit le plus volumineux et, surtout, le seul complet. Guerre ne pesait guère que 184 pages. Londres en compte 555. C’est énorme. Dans la fabrique célinienne, il en dit davantage. Sachant que ce manuscrit, rédigé entre 1934 et 1935, comme Guerre, a disparu en 1944, quand l’auteur a fui Paris pour le Danemark, avant d’être reclus à Sigmaringen.

Guerre s’achevait sur le départ du narrateur Ferdinand, réformé pour cause de graves blessures – un départ pour l’Angleterre, après le traumatisme de la guerre éprouvé dans les Flandres. Londres s’ouvre avec ce même narrateur et Angèle, en bonne pute dans le roman précédent, « une môme que la passion plaçait dans le cœur des choses et des gens ». Cornaquée par Cascade, qu’elle fait fusiller en le dénonçant comme mutilé volontaire, la voilà maintenant soutenue par un protecteur anglais fortuné, le major Purcell, déjà présent dans Guerre.

Londres : une épopée animée de rencontres, de fricotements, d’amitiés et d’inimitiés, de rivalités et de règlements de comptes, de situations cocasses.

C’est un narrateur installé un peu à l’écart de Picadilly Circus, non loin d’un petit marle de Montpellier, Cantaloup, charismatique, pourvoyeur dans la traite des femmes blanches ; un narrateur plongé dans les milieux de la prostitution londonienne (ce qui vaut des scènes salaces). Tel est le point de départ de Londres, une épopée animée de rencontres, de fricotements, d’amitiés et d’inimitiés, de rivalités et de règlements de comptes, de situations cocasses.

L'universelle vacherie

Londres est un roman fou. On se perd facilement dans ce dédale, ce tourbillon romanesque dynamique. Un labyrinthe d’histoires qui s’enchevêtrent. Avec Guerre, on savait où aller. Avec Londres, c’est autre chose, « tant la multiplicité des personnages, la déconstruction du récit, l’étoilement des intrigues dessinent une trajectoire qui n’est rien moins que linéaire », note Régis Tettamanzi dans sa remarquable préface.

C’est d’abord le parcours d’un narrateur aux abois, qui cherche refuge, une planque, un endroit sûr pour échapper à la police anglaise, avec le risque d’être renvoyé au front du côté de la Somme. La guerre n’est jamais très

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Littérature
Temps de lecture : 10 minutes