Darmanin, si sensible

Le ministre de l’Intérieur a condamné les propos de Grégoire de Fournas tenus à l’Assemblée nationale. Curieux pour un homme qui trouve Marine Le Pen trop « molle ».

Sébastien Fontenelle  • 8 novembre 2022
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Darmanin, si sensible
© Manifestation contre la loi de sécurité globale, en janvier 2021, à Paris. (Photo : PHILIPPE LABROSSE / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP.)

Monsieur Darmanin est comme on sait le ministre de l’Intérieur de M. Macron (1) – lequel fut, comme on sait aussi, rélu (2) chef de l’État français en 2022 sur la promesse, déjà faite en 2017, qu’il contiendrait l’extrême droite.

Il y a un an et quelque, rappelons-nous (3), M. Darmanin a publiquement proclamé, au cours d’une émission de télévision, qu’il trouvait Mme Pen – laquelle était alors présidente d’un parti d’extrême droite cofondé notamment par un ex-Waffen SS et un ancien milicien (4) – « un peu molle ». M. Macron, alors, s’est tenu coi ; il a, par ce silence qui venait après tant d’autres, consenti à cette misérable saillie de son ministre de l’Intérieur.

Depuis lors, M. Darmanin, fort de ce plein soutien de M. Macron, s’est employé à exhiber sa fermeté : la semaine dernière encore, on l’a entendu brailler que la mobilisation écologiste contre la mégabassine de Sainte-Soline relevait de l’écoterrorisme – ce qui ouvre évidemment la possibilité de la réprimer de façon extrêmement brutale. Juste après, il s’est vanté, sur une chaîne de télévision ultraréactionnaire, de son bilan en matière d’expulsion d’« étrangers délinquants ».

Au même moment ou presque, un élu du parti d’extrême droite, dont M. Darmanin trouvait la présidente trop « molle » en 2021, a hurlé dans l’Hémicycle (5) des propos racistes exigeant « qu’il(s) retourne(nt) en Afrique », sans que l’on sache trop s’il parlait du député de gauche dont il interrompait ainsi l’intervention, ou des migrant·es envers qui ce député progressiste réclamait un peu d’empathie – mais cela ne change de toute façon rien à la nature profonde de cette immonde profération.

Très curieusement, M. Darmanin ne s’est pas réjoui publiquement de cette vocifération haineuse.

Très curieusement,M. Darmanin ne s’est pas réjoui publiquement de cette vocifération haineuse. Il ne s’est pas réjoui que cette extrême droite ait tenu compte de son regret de la voir trop « molle », et que l’un de ses représentants fasse bruyamment savoir au monde qu’il se tenait parfaitement droit dans sa xénophobie.

Tout au contraire, le ministre de l’Intérieur s’est offusqué de ces propos racistes, déclarant même : « Ça fait quinze ans que je suis dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, c’est la première fois que j’ai entendu quelque chose d’aussi ignominieux. »

Puis ce sensible personnage s’est remis au travail, et à ce qui, selon ses propres dires, et en accord, évidemment, avec M. Macron, l’occupe en ce moment, comme il l’a expliqué sur la chaîne réactionnaire évoquée plus haut : « Ce qui m’intéresse pour l’avenir, c’est comment je peux expulser 4 000 personnes supplémentaires. »

Et faire en sorte, par exemple, qu’elles retournent en Afrique ?


(1) Il faut rappeler, à chaque fois que c’est possible, que M. Darmanin est aussi l’auteur d’un livre, publié en 2021, dans lequel il glose très tranquillement sur ce qu’il appelle « les difficultés liées à la présence de dizaines de milliers de juifs en France » à l’époque napoléonienne…

(2) Je l’écris comme ça pour gagner une lettre, vu que la place ici m’est, nonobstant mes réclamations répétées, toujours aussi étroitement comptée – à 3 000 signes, espaces comprises.

(3) C’était au mois de février 2021.

(4) Cela aussi doit être inlassablement rappelé.

(5) Comme on dit dans la presse comme il faut.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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