Info Politis : les élus communistes veulent faire de Paris une ville « zéro mort au travail »
Le groupe Communiste et citoyen (GCC) va proposer au Conseil de Paris un texte qui s’attaque à la problématique des accidents de travail. Avec un objectif ambitieux : faire de Paris une ville « zéro mort au travail ».
Le 18 mars 2022, Moussa Gassama nettoie les vitres du centre d’action sociale de la Ville de Paris (CASVP). Il fait une chute mortelle. Deux mois plus tard, c’est M. Konaté qui meurt au fond d’une tranchée sur un chantier de rénovation de conduites de gaz à Odéon (Paris). Samir Bey, lui, décède fin juin en dépannant une voiture sur l’autoroute A4 près de la capitale.
Ces noms, ces histoires ne doivent pas spécialement vous parler. Et pour cause, elles n’ont que peu été traitées – ou de manière fait-diversière – par des médias locaux. Pourtant, des détails (qui n’en sont pas) de ces accidents du travail montrent un caractère plus structurel du phénomène. Celui de conditions de travail dégradées et précaires qui vont à l’encontre de la sécurité des travailleurs.
Moussa Gassama était sous-traitant dans une entreprise aux ordres d’une entreprise qui avait été mandatée par le centre d’action sociale. M. Konaté, lui, était travailleur sans-papier, recruté par une agence d’intérim comme salarié temporaire sur un chantier sous-traité par GRDF à une entreprise privée. Samir Bey travaillait de son côté pour l’entreprise sous-traitante de la Ville de Paris en charge de l’acheminement de véhicules à la fourrière.
« Aucune femme et aucun homme ne doit perdre sa vie en essayant de la gagner. »
Selon le groupe Communiste et citoyen (GCC) de la Ville de Paris, cette entreprise a été condamnée trois fois depuis 2020 pour travail dissimulé et licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Outre ces trois histoires, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Comme révélé par Politis, une note interne à l’inspection du travail d’Ile-de-France souligne qu’avec au moins 38 morts entre janvier et août, le début de l’année 2022 a été le plus meurtrier des trois dernières années dans la région.
Face à ce constat, le groupe Communiste et citoyen (GCC) a décidé de s’attaquer à ce problème en déposant une proposition de délibération pour le prochain Conseil de Paris qui se déroule du 15 au 18 novembre.
L’objectif affiché est limpide : mettre en place des « mesures concrètes » pour faire de Paris « une Ville exemplaire sur la sécurité au travail et tendre vers un territoire zéro mort au travail », peut-on lire dans la proposition de délibération que Politis a pu consulter. « Parce qu’aucune femme et aucun homme ne doit perdre sa vie en essayant de la gagner », concluent les élus.
Limiter la sous-traitance en cascade
Pour parvenir à cet objectif, les mesures proposées dans la délibération sont ambitieuses et coercitives. La principale, sans doute, est celle de mettre des dispositifs en place pour s’assurer que les marchés publics de la Ville de Paris soient réalisés avec le plus de sécurité possible pour les travailleurs.
Ainsi, le GCC propose d’encadrer la sous-traitance en cascade, ce phénomène où l’entreprise qui hérite du marché public délègue tout ou partie du travail à une entreprise qui elle-même sous-traite ce travail à une autre, et ainsi de suite.
À chaque fois, l’entreprise qui délègue réalise une marge financière. Jusqu’en bout de chaîne où l’entreprise qui doit réellement réaliser le marché est étranglée et en est réduite à rogner sur les coûts des conditions de travail et de sécurité de ses employés.
Pour endiguer ce facteur accidentogène reconnu, le GCC propose de limiter la sous-traitance à deux niveaux ou à 20 % maximum du chiffre d’affaires de l’entreprise qui hérite du marché public. « Cette idée, prise après discussions avec les organisations syndicales, a pour but que la sous-traitance à Paris soit une sous-traitance de besoin et de compétence, non de coût », explique Barbara Gomes, conseillère de Paris et membre du GCC.
Privilégier les entreprises vertueuses
Autres mesures proposées, la mise en place d’une « clause de droit social » qui « offre à la Ville la possibilité de rompre le contrat en cas de manquement au droit social ou au droit pénal » et qui « privilégie les entreprises socialement et écologiquement vertueuses ».
Dans la continuité de cette idée, le groupe communiste propose que la Ville de Paris prenne l’engagement « de ne plus contracter avec des entreprises qui ont été condamnées pour non-respect du droit du travail dans les 5 années précédant l’appel d’offre ».
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En plus de ces dispositifs précis, des mesures plus larges sont mises au débat par le groupe communiste. C’est par exemple le cas du renforcement des contrôles « des moyens de prévention déployés par les entreprises sur le territoire parisien » avec une augmentation des « moyens humains et financiers nécessaires au renforcement de la prévention pour la sécurité au travail à Paris ».
Ou encore que la Ville montre une vigilance accrue sur les délais accordés aux entreprises pour réaliser des chantiers et ainsi d’éviter des cadences infernales.
« La majorité socialiste et écologiste ne peut pas être insensible à ce texte. »
Enfin, pour rendre visible le « fait social » des accidents du travail et des maladies professionnelles, les élus communistes proposent de créer « un observatoire des personnes mortes au travail » dans la région parisienne.
Celui-ci rassemblerait les différentes institutions en capacité de faire remonter des informations sur le sujet, que ce soit celles intervenant sur les lieux de l’accidents (secours, police), l’inspection du travail, l’Assurance Maladie, les partenaires sociaux, et les chercheurs sur le sujet.
Ce texte, ambitieux, a-t-il des chances d’être adopté au Conseil de Paris ? Pour cela, il faudrait qu’il soit voté par la majorité socialiste et écologiste, ce qui, à l’heure actuelle, n’est pas encore gagné. « Il va y avoir des tractations tout le week-end », confie Barbara Gomes.
Faire de Paris une ville pionnière
Pour la conseillère de Paris, cette proposition n’est pas « un exercice de radicalité pour faire de la radicalité ». Elle souligne que la volonté du groupe communiste est avant tout de rendre cette délibération « votable », ouvrant ainsi la voie au dialogue et aux amendements avec la majorité.
Contactée par Politis, l’adjointe à la Maire de Paris en charge du dossier ne nous a pas, à ce stade, répondu. Côté communiste, on se veut confiant, « ce texte a vocation à concrètement améliorer les conditions de travail des personnes. La majorité socialiste et écologiste ne peut pas y être insensible », glisse Barbara Gomes.
Elle espère, avec ce texte, faire de Paris une ville pionnière sur le sujet, à la fois pour influencer d’autres communes françaises et, pourquoi pas, déteindre sur des politiques nationales. Car jusqu’à présent, la France, avec plus de deux morts par jour au travail, reste l’un des pires pays européens en la matière.
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