Trois polars pour finir l’année

Pour la dernière (bonne) humeur de l’année 2022, parlons polar – genre éminemment politique –, avec trois ouvrages édités en poche, forcément venus de l’autre côté de l’Atlantique.

Sébastien Fontenelle  • 14 décembre 2022
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Trois polars pour finir l’année
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Voici une évidence qui vaut d’être régulièrement rappelée : le polar est, à de multiples titres, un genre littéraire éminemment politique. Voici une autre évidence – dont on concédera volontiers qu’elle est peut-être un tout petit peu moins objective : à de rares exceptions près, il n’est de bon polar que yankee.

En voici trois, qui, pour Noël, feront, le cas échéant, de plaisants cadeaux – précisons tout de même, dans ces temps difficiles, que les très recommandables auteurs et autrice cité·es ci-dessous ont précédemment publié des ouvrages disponibles au format de poche, et moins onéreux, par conséquent, que ces trois-là.

Les éditions Gallmeister poursuivent, avec La Contrée finale (1), leur entreprise de (flamboyante) retraduction de l’œuvre intégrale du grand James Crumley, devenue un classique du roman policier hard boiled. Cette quatrième et dernière aventure du (très) dur à cuire (2) détective privé Milo Milodragovitch est, dans un Texas qui a « massacré, déplacé ou déporté toutes ses tribus d’autochtones » et où tout favorise sa nostalgie du Montana, un festival de milodragovitcheries, comme celle-ci : « Au bout du compte, la peine de mort n’avait à voir ni avec la vengeance, ni avec la dissuasion. C’était juste un moyen que les idiots employaient pour se faire élire. » (Ou celle-ci :« Toutes les grandes fortunes commencent par un petit crime. »)

De James Grady, autre auteur monumental (3), tout le monde ou presque connaît, sans forcément l’avoir lu, Les Six Jours du Condor – depuis la formidable adaptation de ce livre pour le cinéma, sous le titre Les Trois Jours du Condor (Sydney Pollack, 1975). Son héros – l’agent Condor, donc – se trouve, dans ce nouvel ouvrage (4), confronté aux « cyber-attaques russes » de 2016 « contre l’Amérique ».

Laquelle est, constate le romancier, un pays broyé par la désinformation et les discriminations, où « la plupart des électeurs ne se rappellent pas ce qu’ils ont su et ignorent ce qu’on ne leur a pas appris » – mais où on peut encore entendre, comme pour ne pas complètement désespérer, « les guitares incroyables des Dead Kennedys, du punk-rock à se fracasser la tête ».

Pour finir, un bijou : Ma sœur est morte à Chicago (5), où l’écrivaine californienne Naomi Hirahara dit avec une rage mal contenue le sort abominable qui fut fait par l’Oncle Sam aux Nippo-Américains après l’attaque des forces aéronavales japonaises contre Pearl Harbor le 7 décembre 1941. Un livre profondément remuant et extraordinairement actuel, sur un moment méconnu de l’histoire américaine – au carrefour, déjà, de la classe, du genre et de la race.

Excellente fin d’année à tou·tes, à tout bientôt. 


(1) La Contrée finale, James Crumley, traduit de l’américain par Jacques Mailhos, Gallmeister, 517 pages, 25,60 euros.

(2) Avec les quelques anguleux angles morts qu’un tel état comporte, dans ce qui touche notamment aux relations entre les hommes et les femmes.

(3) Qui regrette dans sa préface de ne pas avoir suivi, lorsqu’il était étudiant à l’université du Montana, les cours dispensés par… James Crumley.

(4) Roulette russe, James Grady, traduit de l’américain par Hubert Tézenas, Rivages, 238 pages, 18 euros.

(5) Ma sœur est morte à Chicago, Naomi Hirahara, traduit de l’américain par Pascale Haas, 10/18, 357 pages, 15,90 euros.

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Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes
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