Un démantèlement durable des lois travail

Le contexte de la guerre donne l’occasion au gouvernement néolibéral ukrainien d’accélérer la mutation de la protection sociale des salarié·es qu’il a engagée avant 2022.

Denys Gorbach  • 22 février 2023 abonné·es
Un démantèlement durable des lois travail
Tous les travailleurs, comme ici ceux du site de Tchernobyl, en 2019, sont touchés par les atteintes au droit du travail.
© Brendan Hoffman / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP.

Pendant le printemps et l’été 2022, la guerre déclenchée par la Russie a privé 5 millions de personnes de leur emploi. D’après la Banque nationale d’Ukraine, le taux de chômage actuel est de 26 %, même en écartant des statistiques les millions de personnes qui ont quitté le pays et les centaines de milliers qui servent dans les forces armées. Et les salaires réels ont diminué de 16 % en 2022, selon la même source.

Les salarié·es bénéficiaient jusque-là de conditions plutôt protectrices, grâce à un cadre juridique et politique issu d’un code du travail datant de 1971. Le document a été profondément modifié pour l’adapter à l’économie capitaliste, mais il recèle toujours de nombreuses normes favorisant les employé·es et les syndicats en matière de licenciement, de congés payés et de prestations sociales, entre autres.

Certes, le pouvoir des inspections du travail est limité et les normes contre la discrimination au travail sont insuffisantes, mais, en cas de violation du droit du travail, les employé·es peuvent valablement saisir la voie judiciaire : selon le juriste syndical Vitaliy Dudin, 80 % des décisions des tribunaux donnent raison aux plaignants.

La politique du gouvernement, au lendemain de l’invasion, a renversé la donne. La Fédération des employeurs d’Ukraine, principale organisation patronale, a interprété la situation nouvelle comme un cas de force majeure délivrant les employeurs de toute responsabilité concernant les délais de paiement des salaires.

Dégradation sociale

Le gouvernement a livré sa position dans ce débat en suspendant les pouvoirs des inspections du travail le 13 mars : désormais, on peut se retrouver sans salaire ni organe spécialisé auprès duquel se plaindre. Et, dès le 15 mars, le Parlement ukrainien a fait passer la loi n° 2136 sur « l’organisation des relations de travail lors de la loi martiale »,

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Temps de lecture : 8 minutes