Après le 49.3, la Nupes peut-elle convertir la colère en adhésion ?
Le passage en force du gouvernement sur la réforme des retraites a donné du carburant à la contestation sociale. Galvanisée par l’aveu de faiblesse du camp présidentiel, la coalition de gauche se tient prête à tous les scénarios dans les semaines à venir.
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Macron, le risque de l’embrasement « Le macronisme : une haine bien ordonnée de la démocratie » « Ils passent en force, on utilise la force » Chez les Républicains, le spectre de la disparition« Le 49.3 a changé la donne. » Sandrine Rousseau est sûre d’elle, dimanche 19 mars, et nous suggère d’attendre les premiers sondages post-49.3 pour nous en rendre compte : « Les macronistes vont s’effondrer s’il y a dissolution, reste à savoir où les voix partiront. » Mais la députée EELV est confiante au vu de la « très bonne réception » faite à la Nupes dans les cortèges. « Cette mobilisation est inédite, son caractère joyeux marque l’envie d’un autre projet de société, une envie de gauche. »
Hier, 20 mars, la motion de censure transpartisane est rejetée au Palais-Bourbon, la dissolution est écartée, mais celle-ci reste possible dans les semaines à venir, au regard de l’immobilisme parlementaire qui s’annonce. Dans ce cas, « la Nupes serait prête et unie », assure l’écologiste, qui balaie toutefois les questions d’incarnation pour Matignon. Qui serait proposé Premier ministre ? « On verra… »
Le politiste Bruno Palier douche l’optimisme de l’élue de Paris. Dans une note rédigée pour le think tank Terra Nova, il juge « probable que les conséquences politiques de cette réforme favorisent plus le RN que la gauche ». De la « prophétie autoréalisatrice », évacue Antoine Léaument.
Pour le député LFI, la Nupes a incarné la colère sociale comme aucune autre formation. Bruno Palier parle, lui, de « lucidité » à avoir sur une dynamique qui « tourne toute seule » chez les petites classes moyennes, ces personnes « juste au-dessus » impactées par la réforme et qui représentent un réservoir de votes pour l’extrême droite.
Il ne faut pas croire que tous les opposants à cette réforme sont de gauche.
Si idéologiquement « l’agenda est favorable à la Nupes », le spécialiste de la gauche politique Rémi Lefebvre souligne « l’effet bulle » que peut provoquer la rue. « Il ne faut pas croire que tous les opposants à cette réforme sont de gauche », explicite-t-il. Attention à « l’illusion d’optique », ajoute le politiste Vincent Martigny.
Course contre la montre
La gauche serait-elle toutefois « prête et unie », comme l’affirme Sandrine Rousseau ? « Dire que la Nupes est unie, c’est se moquer du monde, continue Bruno Palier, le RN est un parti unique avec un leader incontesté, on ne peut pas en dire autant à gauche. » Interrogée sur ce sujet, Clémentine Autain concède « des réflexes de singularisation » au sein de la Nupes, et admet une « course contre la montre accélérée avec l’extrême droite ».
Pour la députée LFI de la Seine-Saint-Denis, « le vent est toutefois dans les voiles de la gauche », reste donc à « transformer cette colère en adhésion ». Bruno Palier détaille l’enjeu essentiel pour le faire : « Aborder directement les conditions de travail dégradées des employés, et non plus seulement parler macro en pointant les 1 % les plus riches ». Car c’est bien la souffrance au travail qui alimente, selon le chercheur, « le ressentiment social nourrissant le vote populiste de droite radicale ».
Julien Bayou, lui, se focalise sur le présent, et le présent, pour lui, c’est cette arme pour bloquer la réforme : le référendum d’initiative partagée (RIP). « Ça remettrait du participatif face à l’entêtement de Jupiter. » Le député écologiste est convaincu que cette « arnaque » laissera des traces. Il prévoit un travail à mener au sein de la Nupes pour « devenir une plateforme de conquête du pouvoir », parlant d’une « mutation » à engager, quitte à prendre « un nouveau nom ». Un discours que ne comprend pas Antoine Léaument : « La Nupes a toujours été un outil de conquête du pouvoir… »
Le député insoumis se félicite en tout cas du travail effectué à l’Assemblée : « Les gens ont compris que c’est grâce à nous que le texte n’a aucune légitimité parlementaire. » L’élu de l’Essonne fait allusion à la stratégie du bruit et de la fureur choisie par son groupe au Palais-Bourbon, une tactique d’agit-prop que questionne le politologue Vincent Martigny : « Ils n’en sortent pas forcément grandis… d’autant que ce mouvement social est un mouvement contre quelque chose, et non pas pour. »
Rémi Lefebvre tacle, lui, l’exercice parlementaire de la Nupes : « Ils n’ont pas beaucoup travaillé depuis juin dernier, bien trop préoccupés par eux-mêmes. La Nupes devrait passer à la vitesse supérieure car elle ne peut pas rester une simple alliance électorale. »
Mélenchon toujours là
Pendant ce temps, le leader de La France insoumise, toujours « en retrait mais pas en retraite », reste omniprésent. Jean-Luc Mélenchon est même apparu jeudi dernier à la tribune des invités de l’hémicycle, spectateur de la bronca des insoumis lors du discours d’Élisabeth Borne.
En cas de dissolution, il serait le candidat « évident » à la primature, selon Antoine Léaument, « je ne vois pas qui d’autre serait prêt comme lui, et on ne va de toute façon pas se livrer à une bataille intestine si une campagne de quarante jours s’annonce ». Un argument qui ne convaint pas Rémi Lefebvre : « Mélenchon n’aurait pas l’effet d’entraînement de la présidentielle et serait beaucoup plus contesté. » La situation ne serait donc pas si rose pour la Nupes en cas de législatives anticipées. « Je crains qu’ils ne soient pas en ordre de bataille », conclut le politiste.
En attendant, le combat s’amplifie contre la réforme des retraites. À la possibilité d’un RIP s’ajoute celle d’une censure du texte par le Conseil constitutionnel. La pratique macronienne du pouvoir est pointée du doigt, « elle n’est qu’autoritarisme », résume Sandrine Rousseau.
Peur de quoi ? Ce moment est incroyable ! Les gens reprennent leur vie en main !
« Le président a perdu toute légitimité », continue l’écologiste, qui prédit « une crise permanente » pour la suite du quinquennat. Reste enfin la pression de la rue, cette « censure populaire » dixit Mélenchon, même si le retrait d’une loi déjà promulguée n’a qu’un seul précédent dans l’histoire : celui du contrat première embauche en 2006.
Face à la violence larvée des dernières manifestations, le désordre pourrait toutefois faire vaciller le gouvernement. Un climat potentiellement dangereux, qui fait craindre à Laurent Berger une « catastrophe », mais ne fait pas peur à Sandrine Rousseau : « Peur de quoi ? Ce moment est incroyable ! Les gens reprennent leur vie en main ! »
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