Ce que le 49.3 fait à la jeunesse
Véritable point de bascule, ce nouveau passage en force a propulsé plus encore les jeunes générations dans la mobilisation, rejetant un avenir précaire imposé par cet article jugé « antidémocratique » par les opposants à la réforme des retraites.
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© Maxime Sirvins
Une trentaine de lycéens discutent, deux par deux, le long d’un étroit trottoir du 20e arrondissement de Paris. Il est 8 heures du matin, c’est le moment d’aller en cours de sport. Les discussions rebondissent. « C’est hyper bien qu’on aille aux manifs parce que les gens comptent sur nous, en fait », lance Claire* à son camarade. Lui scrute les vidéos qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux.
« À Toulouse, il y a eu des poubelles de cramées pour bloquer le périphérique et à Bordeaux, des gens ont brûlé la mairie », énumère-t-il. La veille, jeudi 23 mars, la neuvième journée de grève nationale avait rassemblé 500 000 jeunes, dont 150 000 à Paris, selon les chiffres de l’Unef. Un record, atteint une semaine, jour pour jour, après l’annonce du 49.3. Cet article a fait l’effet d’une bombe parmi les jeunes.
« Ça a mis tout le monde d’accord sur le déni de démocratie », explique Tao, 19 ans, en deuxième année de licence à la Sorbonne. « Beaucoup d’amis sont venus, jeudi, pour la première fois. Et ceux qui se disaient à gauche, mais pas trop, ont manifesté à cause du 49.3 », confirme-t-il. Comme si l’on passait d’une révolte sociale à une colère plus universelle, sur les institutions.
Une note de renseignement souligne ce nouvel afflux. Des jeunes ont « rejoint le mouvement le 23 mars, indignés par le recours à l’article 49.3 de la Constitution », est-il écrit sur le document consulté par Le Parisien. « Ils pourraient alors être beaucoup plus nombreux à prendre part aux actions lancées le 28 mars. » Une crainte qui encombre l’esprit de l’exécutif depuis le premier jour du mouvement social, le 19 janvier.
C’est cette peur qui leur a fait décaler une réforme des bourses initialement prévue pour le mois de janvier. La même qui a reporté des annonces sur une éventuelle généralisation du Service national universel. Tout était fait pour ne pas emballer la jeunesse. Le 49.3 a tout renversé. Avec, comme cible principale, la figure d’Emmanuel Macron.
Cette nouvelle journée de manifestation intervient alors que les blocages de lieux d’étude se poursuivent et s’intensifient sur tout le territoire. Sur huit jours entre le 15 et le 27 mars, pas moins de 44 universités et écoles ont été bloquées, dont une nette augmentation les 22, 23 et 27 mars avec respectivement 70, 80 et 61 actions d’occupation.
Réseaux sociaux et casquettes CGTDes facs prestigieuses et peu habituées aux actions ont aussi connu leurs barrières et autres pancartes à l’entrée des campus : c’est le cas à Panthéon-Assas, réputé à droite, jeudi 23 mars. Mais aussi à Dauphine, dans le chic Ouest parisien, lundi 27 mars. « C’est historique. Quelque chose se passe », commente-t-on sur Twitter. « Le 49.3 a été un point de bascule », explique Imane Ouelhadj, présidente de l’Unef. « Le jour de son utilisation, spontanément, des milliers de jeunes en France sont sortis dans la rue. Et depuis, ça n’arrête pas. »
Le jour du 49.3, spontanément, des milliers de jeunes en France sont sortis dans la rue. Et depuis, ça n’arrête pas.
Cet engouement n’a pas laissé indifférents des influenceurs très populaires parmi les jeunes. Si ces créateurs de contenus, sur Instagram, TikTok (une plateforme de partage de vidéos) ou Twitch (un réseau centré sur le jeu vidéo en ligne) ne sont pas toujours connus pour leurs prises de position politiques, depuis l’annonce du 49.3, certains d’entre eux ont mis un pied dans l’arène des contestataires contre la réforme des retraites.
C’est le cas de Polska, 23 ans, suivie par plus de 200 000 abonné·es sur Instagram. Présente sur la place de la République, à Paris, lors d’une manifestation déclarée par Solidaires, l’influenceuse beauté encourage, avec sa collègue Tootatis, 19 ans et 550 000 abonné·es, à venir manifester. Elle partage aussi des publications engagées, comme celles d’Alternatiba ou du député insoumis de 22 ans Louis Boyard, entre deux vidéos d’elle.
Manifestation étudiante à Paris, le 9 mars 2023. (Photos : Maxime Sirvins.)Politique et divertissement, un
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