RSA « sous conditions » : haro sur les plus pauvres
Dès avril, certains allocataires vont voir leur revenu de solidarité active soumis à un engagement d’activité de 15 à 20 heures par semaine. L’inquiétude des premiers concernés grandit, d’autant que les contours de cette expérimentation demeurent flous.
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© Maud Dupuy / Hans Lucas / via AFP
Au terme de bénéficiaire, Y. préfère celui d’allocataire. Le revenu de solidarité active (RSA), d’un montant de 598,54 euros pour une personne seule, « n’est pas un bénéfice, c’est plutôt de la survie », considère le trentenaire.
Comme plus de 2 700 habitants des cinquième et septième arrondissements de Marseille, il devrait être convoqué dans les prochaines semaines pour signer un nouveau contrat d’engagement réciproque (CER) lui imposant 15 à 20 heures d’activité hebdomadaires sous peine de perdre son allocation. « J’ai suivi un dispositif “Boost emploi”, personne ne m’en a jamais parlé, ni ma conseillère Pôle emploi, ni le pôle insertion du conseil départemental », déplore-t-il.
Y. doit déjà régulièrement attester qu’il postule sans succès à des offres d’emploi parfois bien loin de son secteur professionnel. Cette fois, celui qui a été invité mi-février par Pôle emploi à « une journée de coconstruction » de « l’offre de service des bénéficiaires du RSA dans le cadre de l’expérimentation France Travail », aura le droit à un « diagnostic » avant d’être orienté vers un « accompagnement personnalisé et intensif », selon une présentation diffusée au sein de l’établissement public que Politis a pu se procurer.
Les agents de Pôle emploi mal informésMais les contours de ce nouveau « RSA sous conditions », lancé dans le cadre de la refonte du service public de l’emploi et dont la généralisation progressive est prévue d’ici à 2027, demeurent flous et dilués dans des spécificités départementales. La Seine-Saint-Denis, qui avait démenti, en décembre 2022, figurer parmi les 19 départements expérimentateurs, serait en réalité « activement engagée », selon le haut-commissariat à l’emploi et à l’engagement des entreprises, même si le département affirme ne pas avoir encore tranché.
Au sein de Pôle emploi, des agents se plaignent du manque d’information. « Pour certains, la condition [au versement du RSA], c’est par exemple un travail d’intérêt général à mi-temps ; pour d’autres, c’est un accompagnement. À Pôle emploi Paca, ils ne parlaient que d’accompagnement », relate Éric Almagro, délégué syndical SNU-FSU Paca, qui ajoute : « La manière dont ils nous ont présenté cela est ambiguë, et la direction régionale nous a bien fait comprendre que les choses allaient se jouer entre le département et la préfecture. »
Les agents ne seraient alors que « des auxiliaires, chargés de faire le sale boulot, de dire aux allocataires : “Vous n’êtes pas venus, on vous radie et le département suspend votre RSA.” » Une perspective inquiétante selon le syndicaliste, alors que Pôle emploi manque déjà de moyens humains et que l’on peut s’attendre à une hausse des bénéficiaires du RSA avec l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance-chômage.
Face à ces préoccupations, le département des Bouches-du-Rhône se veut rassurant. Les 15 à 20 heures d’activité sont celles « que vous trouvez dans l’accompagnement à l’emploi qui existe déjà. C’est le rythme, l’encadrement, l’individualisation qui vont changer », assure Sabine Bernasconi, vice-présidente (LR) du conseil départemental, qui réfute tout travail non rémunéré. « Quand vous entrez en chantier d’insertion ou en formation, vous avez soit le RSA, soit un salaire qui correspond aux heures travaillées ».
L’élue concède que certaines personnes seront dans l’impossibilité d’effectuer ces heures pour des raisons médicales ou d’autres contraintes. Parmi les deux millions d’allocataires du RSA répertoriés par l’Insee fin 2020, un tiers était des familles monoparentales. Les plus de 60 ans pourraient également, dans certains départements, être épargnés, selon un document consulté par Politis. Mais aucun critère n’a été fixé au niveau national, laissant craindre des inégalités de traitement.
Du travail gratuitOpposée à cette expérimentation, la CGT Chômeurs et précaires a organisé un rassemblement devant les locaux du conseil départemental des Bouches-du-Rhône le 3 février. « Nous comprenons que ce dispositif va s’inspirer du contrat d’engagement jeune qui est passé il y a un an », présage Chloé Brocquet, secrétaire départementale de ce comité CGT.
Destiné aux jeunes de 16 à 25 ans, ce contrat propose un accompagnement individuel et un « programme intensif de 15 à 20 heures par semaine composé de différents types d’activités », comme indiqué sur le site du ministère du Travail, en échange d’une allocation pouvant aller jusqu’à 520 euros par mois. « Ils ont des activités de recherche d’emploi et des stages dans certaines entreprises qui sont vraiment du travail gratuit », dénonce la militante. Le haut-commissariat à l’emploi et à l’engagement des
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