L’hôpital de Mayotte, cible privilégiée d’une colère anti-immigrés
Dans un contexte de tension sociale marqué par l’opération « Wuambushu », des militants s’en prennent à un symbole historiquement instrumentalisé par l’extrême droite française : le système de santé. Au risque de situations dramatiques.
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© Louis Witter.
"Ce dispensaire est le symbole des migrants qui viennent se faire soigner gratuitement. Notre position est claire. Tant que les reconduites à la frontière n’auront pas lieu, on ne continuera pas à les soigner. » Chapeau tricolore sur la tête, la présidente du Collectif des citoyens de Mayotte 2018 s’exprime d’un ton martial. En cette après-midi du 4 mai, Safina Soula et sa quinzaine de fidèles ont décidé de mener une action choc : bloquer le dispensaire de soins Jacaranda qui jouxte le CHM, principal hôpital de Mayotte.
Objectif des bloqueuses : protester contre le gouvernement des Comores, qui refuse alors d’accueillir sur son sol les expulsés du département, et mettre la pression sur les autorités françaises. Un non-sens pour les soignants alentour : « Sous prétexte d’un débat politique qui ne relève absolument pas de la santé, on assiste à l’entrave d’un droit fondamental qu’est l’accès au soin, à la dignité du patient. C’est inadmissible sur le sol français », s’insurge une soignante sous couvert d’anonymat. Face à l’extrême tension, le risque est grand pour les employés de l’hôpital qui prennent position publiquement. Tous les soignants rencontrés ont ainsi insisté pour que leur identité ne soit pas communiquée.
Les sans-papiers ne se font pas soigner gratuitement à Mayotte.
Depuis, les expulsions ont repris et un premier quartier a été détruit le lundi 22 mai par les bulldozers. De quoi réjouir les militants anti-immigrés, qui n’hésitent pas à parler de « victoire ». Mais, si leur présence s’est dissipée autour de l’hôpital, l’accès aux services de l’établissement continue d’être limité. En cause, notamment, une série de faits violents qui ont incité une partie du personnel à revendiquer son droit de retrait.
Dialogue de sourdsPour le personnel médical présent au premier jour de la mobilisation, les souvenirs sont encore vifs. « Je suis allée à la rencontre de ces personnes pour leur demander de quel droit elles se permettent d’agir ainsi. Elles ne se sentent pas concernées par les conséquences d’une telle action dans la mesure où elles expliquent ne plus se soigner ici, mais dans le privé ou à La Réunion », confie une infirmière. Elle déplore aussi les « fantasmes » véhiculés par ces organisations
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