Trois victoires pour les libertés fondamentales
Depuis la mi-avril, le Groupe d’action juridique anti-arrêtés préfectoraux a déposé plusieurs dizaines de référés d’urgence devant les tribunaux administratifs. Retour sur des succès notables.
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© Lily Chavance
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Au lendemain de l’annonce du 49.3, le 17 mars, imposant sans vote des députés la réforme des retraites, la préfecture de police a publié chaque soir, pendant une quinzaine de jours, des arrêtés interdisant les rassemblements sur des périmètres extrêmement larges. Chaque jour, l’équipe du Groupe d’action juridique anti-arrêtés préfectoraux (Gajaap) dépose un référé d’urgence que le juge administratif doit retoquer au motif qu’il est trop tard pour statuer. La stratégie est d’accumuler ces décisions qui prouvent, à l’occasion d’un référé déposé le 31 mars, les effets de cette méthode préfectorale : le juge administratif ne peut que constater qu’il n’a pas réussi à se prononcer, faute de temps.
Le samedi 1er avril, le groupe arrive finalement à « attraper » l’arrêté d’interdiction de manifester qui s’applique le soir même. La réponse du tribunal est sans appel : la préfecture a porté « une atteinte manifestement illégale à la liberté de manifester ». L’arrêté est suspendu. Trois jours plus tard, le 4 avril, le tribunal administratif rend sa décision sur les méthodes du préfet et constate qu’il a porté « une atteinte grave et manifestement illégale au droit à un recours juridictionnel effectif ». Il est sommé de publier ses arrêtés « dans un délai permettant un accès utile au juge des référés ».
Orléans : L’interdiction de détourner la loi antiterroriste
Après l’échec du référé contre le préfet de l’Hérault, faute de temps, le Gajaap parvient à « attraper » celui de la préfecture du Loir-et-Cher qui utilise les mêmes dispositions de la loi antiterroriste (Silt) pour imposer un périmètre de sécurité à l’occasion de la visite du président de la République. Alors même qu’aucune menace terroriste n’est identifiée. Saisi par le Gajaap, le tribunal administratif d’Orléans a estimé, le 25 avril, qu’« un déplacement du président de la République ne saurait être regardé comme justifiant à lui seul, par sa nature, l’instauration d’un périmètre de sécurité ». La préfecture a « porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir ».
Une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir.
Le même jour, le ministère de l’Intérieur, par la voix de Pascale Léglise, directrice des libertés publiques et des affaires juridiques, s’est fendu d’un mail à l’ensemble des préfets dénonçant un « détournement de procédure » : « Je vous remercie donc de bien vouloir prendre en compte cette alerte pour éviter de nouvelles suspensions », ajoute-t-elle. Une diligence qui ne semble pas avoir été demandée en matière de pratique de publication tardive, pourtant également fustigée par les tribunaux administratifs. Dans la foulée, le préfet du Doubs a retiré de lui-même son arrêté utilisant le même cadre en prévision de la visite présidentielle de célébration du 175e anniversaire de l’abolition de l’esclavage.
Lille : L’interdiction du fichage des manifestants par le parquet
Pour une fois, ce n’est pas la préfecture qui est en cause, mais le parquet de Lille, qui a créé un fichier Excel nommé « Suivi des procédures pénales : mouvement de la réforme des retraites », où sont listées les identités des personnes placées en garde à vue dans le cadre des manifestations contre la réforme gouvernementale. Révélé par Mediapart le 5 mai, ce fichier a fait l’objet d’un référé-suspension par le Gajaap. À l’audience, lundi 15 mai, le ministère de la Justice a tenté de justifier cette pratique, qualifiée de « commune », par les possibilités légales du fichier Cassiopée – logiciel de suivi pénal. Or celui-ci ne permet ni un listing en fonction d’un événement particulier, ni le fichage des gardés à vue mais des prévenus – soit les personnes poursuivies.
Dans le cadre du dernier mouvement social, la majorité des gardés à vue sont sortis sans poursuites. Dans son ordonnance du 19 mai, le tribunal administratif considère que ce fichier a porté une atteinte « grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée ». Il ordonne « l’effacement des données » mais aussi le placement sous séquestre d’un exemplaire, auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Toute personne peut ainsi demander à la Cnil si elle figure dans le fichier et, le cas échéant, déposer plainte.
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