Juger la mort des mineurs de fond
Dans un ouvrage qui est aussi un véritable livre d’art, l’historien Philippe Artières revient sur le procès militant qui a suivi l’accident de la mine de Fouquières-lès-Lens, en 1970, ayant coûté la vie à seize travailleurs.
dans l’hebdo N° 1761 Acheter ce numéro

"La catastrophe déclenche une sensation de hors-temps, renvoyant à la mythologie, celle qui énonce que la terre a été volée par les hommes aux dieux et que le monde sous-terrain appartient aux dieux, aux dieux infernaux, les accidents apparaissant comme une vengeance du ciel contre les hommes qui veulent percer son secret. Plus prosaïquement, c’est un drame qui hante la vie collective dès le XIXe siècle. » Le monde de la mine et des mineurs, qui permit la révolution industrielle en France et exista pendant près de deux siècles, fut sans cesse secoué par des séries d’accidents, des effondrements et surtout les terribles coups de grisou. Les morts se comptent souvent par dizaines, parfois par centaines, voire milliers, et frappent à l’aveugle, endeuillant des villes ou des régions entières. Sans oublier la silicose, cette maladie respiratoire des hommes « au fond », accentuée avec le temps par la mécanisation, qui produit plus de poussières toxiques.
Le 4 février 1970, vers 7 heures du matin, peu après l’embauche, une explosion a lieu à 600 mètres de profondeur, dans la fosse 6, chantier Albert 462, à Fouquières-lès-Lens, entraînant la mort de seize mineurs et en blessant grièvement quinze autres.« Cet accident est sans commune mesure pour le nombre de ses victimes avec celui de Courrières (1 099 morts), soixante-quatre ans plus tôt, ni avec celui de Liévin (41 morts) quatre ans plus tard. […] Dans ces années, le nombre de morts lors d’accidents individuels ou collectifs atteint le chiffre très élevé de près de 55 à 90 mineurs par an. »
Mais la caractéristique de ce coup de grisou meurtrier est qu’il ne reste pas confiné aux pages des faits divers des journaux de l’époque, au lendemain de Mai 68, et se voit alors dénoncé par les « maos » de la Gauche prolétarienne (GP), les militants syndicaux et autres intellectuels sympathisants. C’est tout l’objet de cet ouvrage, coordonné par l’historien Philippe Artières, que de revenir sur cette mobilisation collective qui voit la tenue d’un « tribunal populaire », présidé par Jean-Paul Sartre, à Lens à la fin de l’année 1970, pour « juger » le patronat minier des Houillères.
Salariés mineurs, rescapés, syndicalistes, intellectuels, membres de la GP, mais aussi médecins et élèves ingénieurs de l’École des mines (prestigieuse institution d’enseignement supérieur formant alors les cadres des Houillères et des Charbonnages de France, qui gèrent la production nationale de charbon), s’investissent dans cette initiative militante, largement suivie partout dans le pays.
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