Qui vide les eaux sénégalaises ?
Venus d’Europe ou d’Asie, des navires de pêche industrielle jouent un rôle majeur dans la raréfaction de la ressource halieutique en Afrique de de l’Ouest.
dans l’hebdo N° 1767-1771 Acheter ce numéro

© Seyllou / AFP
Mais où sont passés les poissons ? Sur la plage de Soumbédioune, un des hauts lieux de la pêche artisanale à Dakar, Adama Thiam, 60 ans, regarde vers le large : « Actuellement, le poisson se fait rare. Ça devient très difficile d’en attraper. On est obligé d’aller de plus en plus loin, jusqu’à 110 kilomètres des côtes parfois. » Sur les 718 kilomètres de la façade atlantique sénégalaise, le constat est le même : mise à mal par la surpêche, la ressource n’a plus l’abondance d’antan.
Les experts de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) le confirment : au large du nord-ouest de l’Afrique, le bonga et la très populaire sardinelle, reine du thiéboudienne (riz au poisson), le plat national sénégalais, sont « surexploités », lit-on dans un rapport de 2021. Ce phénomène « constitue une menace grave pour la sécurité alimentaire et l’emploi dans la sous-région ». C’est particulièrement vrai au Sénégal, où les prix explosent, alors que le poisson est la première source de protéines animales dans l’alimentation de la population. Le secteur de la pêche fournit du travail à plusieurs centaines de milliers de personnes.
Beaucoup de jeunes pêcheurs ont émigré en Espagne.
Adama ThiamMais le désespoir guette. « Beaucoup de jeunes pêcheurs ont émigré en Espagne, rapporte Adama Thiam. Il y a quelques semaines, mon propre fils aîné est parti en pirogue pour les Canaries. Quand il m’a fait part de sa décision, je lui ai donné ma bénédiction. Le voyage est dangereux, mais qui ne risque rien n’a rien… Maintenant il est là-bas. » Si le fils d’Adama est arrivé à bon port, ce n’est pas le cas de tous les candidats à cette traversée périlleuse. Selon l’ONG espagnole Caminando Fronteras, entre 2018 et 2022, 7 865 personnes originaires de 31 pays différents auraient trouvé la mort en tentant de rejoindre les côtes des Canaries à bord de pirogues en bois et de canots pneumatiques. Ces dernières semaines encore, quelque 300 personnes parties des côtes sénégalaises à destination de l’archipel espagnol ont été portées disparues.
« Bradage à vil prix »Qui vide les eaux de l’Afrique de l’Ouest ? Au Sénégal, les pêcheurs artisanaux pointent avant tout la responsabilité de la flotte industrielle internationale, « composée principalement d’entreprises chinoises, turques, russes, coréennes et européennes », comme le détaillait Greenpeace dans son rapport « Mal de mer. Pendant que l’Afrique de l’Ouest est verrouillée par la covid-19, ses eaux restent ouvertes au pillage », daté d’octobre 2020. Profitant des défaillances des États en termes de surveillance, des bateaux étrangers opèrent de manière illicite. « En février, on a repéré un chalutier battant pavillon russe. Il a passé deux semaines
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