Gérald Darmanin, l’extrême populiste

Le gouvernement souffle sur les braises d’une frange minoritaire dite « antipolice » en se positionnant comme « pro police » pour esquiver stratégiquement le débat essentiel sur l’organisation et l’utilisation de notre police nationale.

Nadia Sweeny  • 25 septembre 2023
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Gérald Darmanin, l’extrême populiste
Manifestation contre les violences policières, le 23 septembre, à Paris.
© Maxime Sirvins

« Manif de la honte ». « Antipolice ». La mobilisation de samedi 23 septembre pour les libertés publiques, contre les violences policières et le racisme systémique, a été frappée du sceau de l’abomination par ceux qui ne veulent pas ouvrir un débat sur leur propre responsabilité et sur les mécaniques d’une administration mise depuis trop longtemps au service d’intérêts politiques plutôt que citoyens. Selon le gouvernement, les 30 000 manifestants – selon les autorités – à 80 000 – selon les organisateurs –, se seraient donc rassemblés contre tout un corps et ceux qui le composent dans le seul objectif de l’anéantir. Et c’est tout.

Dans cette veine, Gérald Darmanin s’est empressé de prendre sa position médiatique habituelle de défenseur des policiers en leur assurant son soutien « inconditionnel ». Soit, total et sans réserve. La question émerge en sous-texte : quels que soient leurs actes ? Un baiser de la mort. Désormais, remettre en question la police, sa structure et son organisation, sa gestion par la hiérarchie, les politiques et ses conséquences, soit tout ce qui a trait à l’aspect « systémique » revient à fustiger tous les policiers dans leurs individualités. Dans ce contexte plus personne, ni en interne ni en externe, n’a donc de légitimité à critiquer la « maison police », devenue une tour d’ivoire assiégée.

L’occasion historique ratée de la gauche

Ce piège est aussi permis par la position de quelques radicaux qui publient des affiches tendancieuses – comme celle largement diffusée par les syndicats, sur laquelle on voit un serpent portant la croix gammée coiffé d’un chapeau au logo de la police nationale – ou qui crient « tout le monde déteste la police » ou encore « ACAB » – « all cops are bastards » (tous les policiers sont des bâtards). Et les organisateurs le savaient ce samedi 23 septembre : sur le camion de tête, ils ont tenté d’empêcher ces slogans en pleine manifestation. Car cette position essentialise un corps diversifié de 150 000 fonctionnaires et revient à une généralisation inepte qu’il faut dénoncer comme on le fait quand elle s’applique à d’autres.

La police est un service public. Elle n’appartient pas plus au gouvernement qu’aux préfets. Elle est notre bien commun de citoyens.

Mais le choix du gouvernement de réduire à cette position minoritaire et à ces quelques slogans l’ensemble d’une mobilisation est éminemment politique. Son choix de ne pas entendre les nombreuses victimes de violences policières et leur famille, et de refuser de répondre à leurs détresses et à leur quête de justice, est une faute. Lorsqu’il se positionne « en face », en « pro police » en les assignant tous à de vulgaires « antipolice », Gérald Darmanin tombe dans la démagogie crasse, voire le populisme. Il devient un extrémiste comme un autre. Est-ce raisonnablement la place d’un ministre de l’intérieur dans une démocratie ?

Dès lors, pris entre les deux feux sur lesquels le ministre souffle stratégiquement de concert avec les syndicats de police, la discussion constructive sur les violences illégitimes, sur l’utilisation et les missions de notre police nationale tout autant que sur la souffrance structurelle des fonctionnaires, est impossible. Or il faut le rappeler : la police est un service public. Elle n’appartient pas plus au gouvernement qu’aux préfets. Elle est notre bien commun de citoyens. Nous devons la défendre. Ne pas la laisser aux mains de ceux qui l’instrumentalisent pour leurs propres intérêts.

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La gauche a raté une occasion historique de se saisir d’un de ces combats. Elle ne s’est pas mobilisée pour sauver la police judiciaire. Celle-ci est désormais sous le joug du préfet, plus porté sur l’ordre public que sur l’enquête au long cours, moins vendeuse médiatiquement. Comprenez bien la dérive : notre police devient un instrument de communication. Face à cela, refusons les slogans simplistes qui donnent aux extrémistes des occasions rêvées pour esquiver le débat de fond et défendons une autre police, la nôtre. Une police républicaine, ouverte, capable d’autocritique et de débats constructifs, au service de la population et de l’intérêt général.

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