Inaction climatique européenne

L’inaction climatique européenne relève autant de la responsabilité des États que des majorités de circonstance constituées au Parlement en faveur de l’austérité budgétaire.

Liêm Hoang-Ngoc  • 24 janvier 2024
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Inaction climatique européenne
© Markus Spiske / Unsplash

2024 est une année électorale en Europe. Colégislateur avec le Conseil, le Parlement européen (PE) a, au cours de la mandature qui s’achève, entériné le Pacte vert, emblème de la stratégie européenne en matière de transition écologique. D’inspiration libérale, celui-ci consiste à instaurer un marché européen des droits à polluer, dans l’espoir d’inciter les entreprises à bifurquer vers des technologies vertes. Le Green Deal étend ce mécanisme aux importations de matières premières en provenance de pays tiers à travers un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Cette stratégie entend respecter le principe de la libre concurrence sur le marché intérieur et les règles de libre-échange sur le marché mondial, mais elle demeure inefficace.

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D’une part, le MACF ne s’applique pas aux produits finis et pénalise les producteurs européens en renchérissant le coût de leurs consommations intermédiaires importées. D’autre part, le prix du carbone, trop bas, est insuffisamment dissuasif en raison du lobbying opéré par les industriels pour maintenir un quota élevé d’émissions de CO2 et garder certains secteurs hors du champ d’application du marché carbone. La fin de l’attribution gratuite des droits à polluer et l’extension du marché aux secteurs rétifs comptent certes parmi les objectifs du Pacte vert. Mais l’impact inflationniste de cette politique « incitative », où le signal prix est essentiel, perdurera tant que la transition écologique ne sera pas achevée.

L’UE continue à condamner les aides qui sont suspectées de fausser la concurrence sur le marché intérieur.

C’est pour atténuer cet effet que les États-Unis ont déployé l’Inflation Reduction Act (IRA), dans le but de financer, à coups d’aides massives des États aux entreprises, la relocalisation de leurs chaînes de valeur dans le cadre d’une réindustrialisation verte. Pendant ce temps, l’Union européenne continue à condamner les aides qui, telles celles que la SNCF a utilisées pour développer sa filière fret, sont suspectées de fausser la concurrence sur le marché intérieur. Certes, le régime des aides d’État a été temporairement assoupli jusqu’en 2025. En conséquence, le 8 janvier 2023, la Commission autorisait enfin une aide d’État individualisée de 902 millions d’euros de l’Allemagne pour favoriser l’implantation d’une usine produisant des batteries électriques du groupe suédois Northvolt, tenté de délocaliser sa production aux États-Unis pour bénéficier des aides de l’IRA.

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La Commission avait auparavant proposé une réforme du pacte de stabilité permettant à chaque État de s’endetter pour financer sa transition écologique. Hélas, l’Allemagne l’a torpillée au Conseil, tandis que les paradis fiscaux de l’UE criaient au loup lorsque l’extension du régime des aides d’État fut évoquée. Hélas encore, une forte majorité d’eurodéputés vient de donner mandat au PE pour entériner l’austérité, lors du prochain trilogue. L’inaction climatique relève donc tout autant de la responsabilité des États que des majorités de circonstance constituées au PE en faveur de l’austérité budgétaire et d’un hypothétique verdissement du marché.

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