Budget austère pour le climat

Le projet de budget 2024 va « faire les fonds de tiroir » pour mener le déficit public à 2,7 % du PIB en 2027. La lutte contre réchauffement climatique attendra.

Liêm Hoang-Ngoc  • 20 septembre 2023
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Budget austère pour le climat
"Grève mondiale pour le climat", le 24 mai 2019, à Paris.
© Maxime Sirvins

Le projet de budget 2024 est marqué par l’inaction climatique et le retour de l’austérité. L’austérité est toutefois relative. Elle épargne les « premiers de cordée », principaux bénéficiaires des 50 milliards d’euros de baisses d’impôts obtenus depuis 2017. Ils devront toutefois patienter pour bénéficier d’une nouvelle baisse des impôts de production, initialement promise dès 2024. À la suite de l’arrêt des programmes de rachat de dette publique par la Banque centrale européenne, les taux d’intérêt sur les emprunts d’État ont en effet augmenté, alourdissant de 17 milliards les charges de la dette. Il faudra donc « faire les fonds de tiroir » pour respecter la trajectoire budgétaire qui doit mener le déficit public à 2,7 % du PIB en 2027.

L’austérité continuera à gangrener les services publics et à miner la protection sociale. Elle frappera les ménages, désormais privés de bouclier tarifaire face à la nouvelle hausse des prix des carburants, et qui souffrent de la greedflation (inflation de cupidité) sévissant dans l’alimentation. En 2023, le bouclier tarifaire avait en partie été financé par la contribution de solidarité temporaire sur les surprofits des énergéticiens, imposée par un règlement européen aux entreprises réalisant un bénéfice supérieur de 20 % à celui observé entre 2019 et 2021.

Les choix politiques du gouvernement le condamnent hélas à l’inaction climatique.

Conformément au souhait des entreprises du secteur, le ministre des Finances ne prolongera pas cette taxe. Il demande juste à Total de fixer un prix plafond supérieur de 20 centimes à ce qu’il était lorsque était déployé le bouclier. Il déclare qu’un signal prix doit être envoyé aux automobilistes dans le cadre de la transition écologique et ajoute qu’il préfère affecter à cette transition les 12 milliards qu’aurait coûtés le maintien du bouclier sur les carburants. « Chiche ! » a-t-on envie de lui dire, tant la demande de carburants est inélastique au prix, en raison de l’absence de moyens de transport alternatifs dans la « France périphérique ».

Sur le même sujet : « Les services publics sont de moins en moins capables de répondre aux besoins des citoyens »

Le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz chiffre à 34 milliards d’euros la totalité des engagements publics annuels verts nécessaires pour atteindre les objectifs du Giec d’un réchauffement climatique limité à 1,5 °C. Pour les financer, il suggère la création d’un ISF vert et le recours à l’endettement public. La Commission européenne s’apprêtait elle-même, avant d’essuyer l’opposition de l’Allemagne, à autoriser les États à creuser leurs déficits pour financer leurs investissements écologiques et numériques dans le cadre de la réforme du pacte de stabilité.

Les choix politiques du gouvernement le condamnent hélas à l’inaction climatique. Il n’entend en aucun cas rétablir l’ISF et laisse l’Allemagne torpiller la réforme du pacte de stabilité. Il prononce la fin du « quoi qu’il en coûte », non pas tant pour plaire à Bruxelles que pour rassurer une bourgeoisie allergique à la dépense publique et de plus en plus tentée par l’« union des droites », promue par l’un de ses milliardaires ayant fait main basse sur de multiples canaux d’information.

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