Vers la post-croissance

Poursuivre le rêve de l’accumulation infinie du capitalisme néolibéral est une impasse. Le débat sur la post-croissance est posé.

Jean-Marie Harribey  • 1 mai 2024
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Vers la post-croissance
© Markus Winkler / Unsplash

Un demi-siècle de capitalisme néolibéral a poussé à l’extrême les deux contradictions qui lui sont inhérentes : la dévalorisation de la condition du travail, pourtant seule source de la valeur, et la dégradation de la nature, les deux ensemble étant les conditions de la richesse, selon les mots de William Petty et de Karl Marx. Ces deux contradictions jumelées mènent à l’épuisement des gains de productivité du travail d’un côté et au réchauffement climatique et à l’épuisement de la biodiversité de l’autre. Les choses sont claires : poursuivre le rêve de l’accumulation infinie est une impasse.

C’est la croissance du PIB qui est une illusion, pas le PIB lui-même.

Il faut donc prendre acte du fait que le débat sur la post-croissance est posé. Sans tomber dans une chimère comme celle de la croissance verte ou dans une décroissance uniforme sans transition. Post-croissance a un sens s’il s’agit de sortir de la logique du capitalisme que la croissance sert : bannir le critère du taux de profit devient la priorité, et non pas en finir avec l’indicateur PIB. C’est la croissance de ce dernier qui est une illusion, ce n’est pas le PIB lui-même, qui donne la somme des revenus bruts annuels produits dans l’économie. Aussi, c’est le sous-titre du livre de Tim Jackson, Post-croissance (Actes Sud, 2024), qui est important : Vivre après le capitalisme.

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Une institution-clé doit être mise en œuvre pour amorcer ce passage : la planification écologique. Mais plusieurs conditions doivent être réunies. D’abord, l’instauration d’un débat démocratique pour décider des besoins à satisfaire prioritairement. Ensuite, dresser des comptabilités-matières sur les ressources disponibles et à sauvegarder. Mais là se loge la principale difficulté : la comptabilité « en nature » ne se substitue pas à la comptabilité monétaire, comme le croient Cédric Durand et Razmig Keucheyan dans Comment bifurquer. Les principes de la planification écologique* (La Découverte, 2024).

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Recension de ces livres ici.

Dans une économie postcapitaliste, où subsistera une division du travail importante, il faudra comptabiliser l’amortissement des équipements, les consommations intermédiaires et les salaires. Les prix seront donc nécessaires, même si leur mode de fixation ne découlera pas exclusivement du marché. Et cela n’a rien à voir avec l’illusion du « capital naturel » auquel il faudrait donner un prix, comme si la nature avait une valeur économique intrinsèque. Cette idée trop fréquemment colportée par les mouvements écologistes, croyant bien faire, est le leitmotiv des institutions internationales, qui cherchent à se disculper d’avoir diligenté les politiques productivistes.

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Cette notion de capital naturel est parfois reprise par des experts tout à fait conscients de la nécessité de la planification, tels Michel Aglietta et Étienne Espagne dans Pour une écologie politique. Au-delà du Capitalocène* (Odile Jacob, 2024), mais en oubliant le caractère incommensurable des écosystèmes avec quoi que ce soit de produit par l’homme, c’est-à-dire inestimable. 

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